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 A.S.B. SAISON 2005-2006 

L'évolution du rugby au fil de mes souvenirs

Par R. Bruneau

M es souvenirs englobent les sept dernières décennies, au cours desquelles j'ai découvert puis vu évoluer le rugby, en trois grandes périodes: l'avant guerre, l'après et la troisième, celle que nous vivons, avec l'arrivée du professionnalisme.

La première est celle qui m'a le plus marqué ce fut celle de la découverte, dans la cour de l'école, avec une balle en chiffons. Il était pratiqué par un groupe passionné où il fallait gagner sa place. J'y ai beaucoup appris de garçons qui avaient, pour certains accès à la presse sportive, assistaient à des matches. J'ai découvert que les sportifs de notre ville étaient partagés entre le "Stade': le plus ancien, qui pratiquait au niveau de la 1ère division et le "Sporting" jouant en honneur. Le Sporting recrutait surtout chez les ouvriers, il était très ouvert aux jeunes auxquels il offrait une section d'athlétisme performante. A l'époque les sportifs devaient se procurer leurs équipements c'était plus facile en athlétisme poÙr débuter. Dans cette jeunesse louis Sarthou, (ex ASB), qui venait d'arriver dans la ville, constitua une équipe de rugby junior qu'il conduisit jusqu'au titre de Champion de France, en triomphant de la Rochelle. Dans cette équipe il y avait plusieurs anciens de notre école qui avaient été initiés dans la cour. Le rugby de ces deux clubs avait peu de place dans la presse sportive qui privilégiait l'athlétisme, très en vogue à l'époque avec de nombreuses épreuves d'initiation qualificatives pour le niveau régional puis national.

Les deux clubs vivaient difficilement, le peu d'écho dans la presse ne favorisait pas les recettes qui couvraient petitement les frais de déplacements longs et coûteux. Au cours de cette période le rugby qui n'était implanté que dans le Sud, à Paris et dans quelques îlots du pays ne progressa pas territorialement. Il était peu connu en dehors de ses zones d'activité, malgré une vie intense dans de nombreuses régions du Sud. Il y avait des clubs prestigieux qui brillaient en championnat et fournissaient les internationaux.
Il y avait peu de mutations, les équipes étaient formées d'une majorité de régionaux jusqu'à l'arrivée dans ce sport du chapelier de Quillan, jean Bourre!, qui, à coup de transferts, a fait d'une petite équipe régionale une puissante formation qui joua les premiers rôles pendant plusieurs années. Il en résulta une chasse des dirigeants pour convaincre les bons joueurs de venir renforcer leur équipe, l'amateurisme n'était plus respecté, et les britanniques amateurs convaincus, furent outrés. Ils demandèrent et obtinrent que la France soit exclue du tournoi des Cinq Nations constituant l'essentiel des rencontres internationales. Ebranlé, le rugby français fut, de plus, miné par l'arrivée en France du "Treize" qui rémunérait ses joueurs, recrutant les meilleurs parmi les "quinzes".

Ce fut le début d'une période difficile et incertaine qui prit fin avec la guerre qui désorganisa tout. Ce fut la fin de la période que je qualifierai de "rugby à l'ancienne". Au cours de ces années le rugby progressa certes sur ses terres mais sans se populariser ailleurs, il restait pour beaucoup de Français un sport mal connu, marginal. Après la guerre le rugby se développa plus vite en profitant des progrès de la communication, pour la presse avec de grands journalistes comme Denis Lalanne, Henri Garcia, par la radio et puis surtout par la télévision avec le passionné Roger Couderc. On vit le rugby progresser par l'évolution, selon l'Ecole Lourdaise puis la Biterroise, bénéficiant ainsi à l'équipe de France qui gagna le tournoi pour la première fois en 1959, réalisant le grand Chelem en 1968. La compétition féroce entre les équipes poussa aux mutations entre clubs, à l'arrivée d'étrangers, ce fut la fin des équipes stables aux joueurs bien connus, souvent formés au club. C'était les prémices d'une autre mutation qui allait survenir, et la fin d'une période riche et brillante qui popularisa le rugby, le propagea jusque dans les villages et passionna les français.

 

LE RUGBY PROFESSIONNEL

La période que nous vivons est marquée par le professionnalisme de l'élite. Cela a commencé en 1995 à l'occasion de la Coupe du Monde. Le Magnat Murdoch qui règne sur la presse et la télévision australienne concéda, pour obtenir l'exclusivité, des droits élevés de retransmissions télévisuelles au profit de la fédération australienne qui devait collaborer aux programmes. Les joueurs australiens obtinrent des contrats pour pratiquer le rugby à temps plein et être rémunérés en conséquence. Il en résultat une progression spectaculaire du rugby australien. Dans l'hémisphère Nord le mouvement commença par l'Angleterre oubliant ses principes d'amateurisme. La Fédération Française se trouva contrainte de suivre le mouvement.

Les clubs de l'élite et la Fédération Française durent s'adapter à cette évolution, imposée sans préparation. Une "Ligue Pro" fut créée pour gérer les 30 clubs concernés qui échappaient aux règles d'amateurisme de la Fédération. Le professionnalisme qui semblait impensable s'est imposé logiquement, comme dans tous les sports de haut niveau. Lorsque des sportifs doivent consacrer l'essentiel de leur temps aux entrainements ils ne peuvent rester des amateurs. l'athlétisme très rigoureux sur ce chapitre n'avait pas hésité à déchoir Jules Ladoumègue de ses records pour une misérable histoire de défraiement, aujourd'hui ses champions sont des professionnels prospères. Le rugby pro doit devenir la vitrine de notre sport. Il a accès aux médias et pourrait constituer une incitation auprès des jeunes, malheureusement ce n'est pas le cas actuellement les écoles de rugby voient leurs effectifs au plus bas. Il ne joue pas un rôle d'incitation à découvrir le rugby local. Il est plus facile et confortable de suivre l'évolution des pros sur le petit écran que dans des tribunes glaciales. La révolution n'a touché qu'une petite élite, laissant les clubs amateurs se débattre dans leurs difficultés. Il faut cependant espérer qu'avec le temps la Fédération dégagera des crédits pour aider ces clubs qui ne survivent que grâce au dévouement de ses dirigeants continuant malgré tout à œuvrer, à espérer, en formant des jeunes parmi lesquels on trouvera les futurs grands joueurs de demain