Malgré l'évidente jeunesse de notre Association, beaucoup de nos camarades ignorent ses origines et il n'est pas sans intérêt de leur rappeler les dé buts difficiles du club dont ils ont adopté les couleurs. Je vais essayer de le faire aussi brièvement que possible.
          Il nous faut pour cela remonter aussitôt après la fin de la guerre, pour nous souvenir du groupe d'amis, tout frais démobilisés, qui, sous l'impulsion très active des dirigeants de l'Amicale Jean-Macé, décidèrent de fonder à Bayonne une nouvelle Société sportive. Car, l'AS. Bayonnaise est née au sein de l'Amicale Jean-Massé oui eut l'honneur de compter dans ses équipes, avant la guerre, des athlètes qui ont nom: Chateau, Lasserre, Luyet-Tanet, Campet, Gassie, Labrouche, Erriçarret frères, Larramendy, etc., pour ne citer que les plus connus.
          Pendant la guerre, déjà, l'Amicale Jean-Macé avait constitué une brillante équipe qui disputa la « Coupe de la Guerre ».
          L'après guerre se présentait, pour les clubs de Côte Basque, de la façon suivante. Les épreuves de championnat étant supprimées depuis plusieurs saisons, tous les clubs partaient à égalité et tous par conséquent avaient leur chance dans le nouveau classement officiel à opérer. C'est pour profiter de cette occasion que les dirigeants de l'Amicale Jean-Macé, désireux, d'autre part, d'empêcher le départ hors de Bayonne d'athlètes locaux, en surnombre, décidèrent la création d'une section de rugby qui prit par la suite le nom de notre Club actuel. A sa tête, MM. Gomez président; Maré, trésorier, mort malheureusement avant d'avoir vu l'épanouissement de l'œuvre entreprise; moi-même comme secrétaire et de nombreux jeunes, Azcune, Souque, Merle, Labrouche, encadrés d'anciens comme Condé, Dacosta. Jouannin, Etchemendy, Celhay. Campe t, qui apportèrent, pleins d'enthousiasme, tout leur dévouement et toute leur activité.

          Le moment était cependant difficile et l'entreprise apparaissait vouée à un échec certain.

          Pas de terrain pour l'équipe! Tous les matches devaient être disputés en déplacement, chaque équipier emportant ses repas. D'argent, pas davantage, naturellement, et, pour réduire les frais, la plupart des équipiers se procurèrent eux-mêmes des souliers à crampons.
          Mais l'obstination, le désintéressement et l'esprit de camaraderie de tous surmontèrent les difficultés et l'ouverture eut lieu le 5 octobre 1919, à Oloron. Les victoires se succédèrent, remportées toutes contre des équipes de premier plan: le Biarritz-Olympique, la Section Paloise, Lourdes, le S.AB., le Stadoceste Tarbais, etc., etc...
          N'ayant point de stade de jeu, l'AS.B. n'avait pas davantage de terrain d'entraînement. Tous les soirs, les équipiers se réunissaient dans la cour de la vieille école de Saint-Esprit et, en sandales, sur le gravier, à la lueur 'des lampes à acétylène que tenaient les dirigeants, couraient longuement ou échafaudaient quelque combinaison pour le match à venir. Le dimanche matin, l'entraînement avait lieu sur le plateau de la Citadelle. Les joueurs se déshabillaient en plein air et, .après un bon galop, rentraient chez eux, oubliant de réclamer des douches. Le caractère primitif de ces exercices fera sans doute sourire nos joueurs actuels, habitués à des répétitions plus savantes se dérou lant dans des conditions moins rudimentaires. Mais à cette époque héroïque l'ardent amour du rugby et l'attachement au club ne remplaçaient-ils pas avantageusement la vertu de nos commodités modernes?
          Toujours est-il que, formés à cette rude école, nos rugbymen acquirent rapi dement la forme qui force le succès.
          En 2e Série où, d'emblée, les premières éliminatoires l'avaient placée, l'AS. B. se signala par une longue suite de victoires difficiles, si bien qu'on la vit dès la première année de son existence, en finale du Championnat de France à Paris, contre le Stade Français. La rencontre se termina par un match nul (0 à 0).
Ce déplacement à Paris a sa petite histoire. Quelques jours avant, la caisse était vide: le voyage ne pouvait se faire. La mort dans l'âme, l'AS.B. déclare forfait. Mais le dévoué président, M.Benjamin Gomez, veillait. Il fit appel à la phalange d'artistes bayonnais qui venait d'interprêter ses dernières revues et, dans la salle de la Féria, gracieusement offerte par M. Genoz, organisa un superbe concert au profit de l'AS.B. Le succès répondit à son attente et la recette permit aux joueurs de prendre le train.
          Le match-retour eut lieu à Bayonne, le 8 mai 1920. L'AS. Bayonnaise y remporta le titre de champion de France (2e série) après une splendide rencontre, en battant le Stade Français par 6 à 0 (2 essais). Cette magnifique victoire, qui pour un coup d'essai fut un coup de maître, mit brusquement notre club en vedette. Dès lors, au' cours de toutes les saisons qui suivirent, l'AS.B. eut le légitime souci de se maintenir au premier plan et toujours y réussit. Sous les directions successives des capitaines Compan, Castillon, Ithurbide, Celhaiguibel, Moncade, Toulet, Labro et Soumet, l'équipe connut de multiples succès et les divers Conseils d'administration sous les présidences de MM. Gomez, Lauvray, Daranatz, Loustalot et Docteur Henri Corrèges se montrèrent toujours à la hauteur de leur tâche.
          Ces débuts méritaient d'être rappelés.
          Les athlètes qui luttent, aujourd'hui sous le maillot blanc cerclé de vert et violet puiseront dans l'exemple de leurs aînés la volonté, le dévouement, la discipline et l'esprit de camaraderie nécessaires pour triompher dans les rencontres futures.
E. DUPOUY