par le Docteur Alain CHEVALLIER

          Lorsque l'on évoque ces clubs prestigieux qui déplacent plusieurs dizaines de milliers de spectateurs, on pense immédiatement à ces gaillards taillés en athlètes, souvent poilus, moustachus, couturés, bref, des hommes faits et confirmés. Mais on ne pense guère que ces hommes furent des enfants, qui grandirent à l'ombre d'un fanion de Club, et que le Rugby est devenu pour eux, au moins autant, que leur bien le plus précieux. Ces hommes ont été des Juniors, et avant celà des Cadets, et il s'est trouvé des Aînés pour les mener intelligemment le long de cette route. Ces dirigeants ont su comprendre le besoin qu'avaient ces jeunes de trouver dans le Rugby la réalisation d'une grande partie de leurs aspirations.
          Mais que cherchent ces jeunes lorsqu'ils entrent au Club sur les traces de leurs aînés? Eh bien d'abord à satisfaire un besoin, une nécessité élémentaire de l'enfant et de l'adolescent: le JEU. Jouer, courir, sauter, taper dans un objet, faire des passes, tout celà fait partie de l'univers enfantin. Peu importe le terrain, le ballon, le nombre de joueurs, la stratégie est lettre morte, la victoire un accessoire secondaire.
          Mais à ce groupe d'enfants, il faut un Aîné qui soit l'organisateur, l'arbitre et le chef. Il appartient à ce chef d'inculquer à ces enfants que le jeu, pour être plus passionnant encore, doit être canalisé vers un but, que les règles ne sont pas là pour gêner, mais pour faciliter l'accession à ce but, bref, qu'il faut «( jouer le jeu» à l'image de la vie. Alors, si une victoire sanctionne ce jeu, il appartient encore au dirigeant d'apprendre à ces Cadets qu'il est plus impor
tant de « jouer le jeu n, que de gagner avec des moyens douteux.
          Et puis le Cadet grandit; il acquiert une certaine maturité; il devient Junior et l'activité principale de ce jeune homme n'est plus le jeu, mais le but à atteindre, ce but que dans la vie il commence à entrevoir et que le terrain met à sa portée. Ce but, c'est la VICTOIRE, victoire sur l'adversité, victoire sur l'adversaire, avec les mêmes moyens qu'il possède lui-même, loyalement, sans tricherie.
          Il doit alors apprendre cette triple règle d'or du Sport:
                POUVOIR, c'est se mettre en condition physique par l'entraînement;
               SA VOIR, c'est connaître à fond les règles du jeu;
               VOULOIR enfin, c'est désirer de toutes ses forces la victoire, sur soi-même d'abord, sur l'adversaire ensuite.
          Là le RUGBY retrouve sa royauté, car à l'image de la Vie, il oblige cet adolescent à compter sur lui-même pour pouvoir compter sur son Equipe, à avoir le courage d'affronter le risque physique, à apprendre l'amère mais enrichissante leçon de la défaite, il goûte l'enivrante saveur de la Victoire chèrement mais loyalement acquise,
          Alors, il devient un HOMME.
POUVOIR, SAVOIR, VOULOIR.