Rugby d'hier et d'aujourd’hui, rugby de toujours.
   

par Jean DAUGER
          Il est évident qu'à l'image de la vie le rugby moderne subit les influences de son époque. Dans tous les domaines, aujourd'hui, c'est le règne de la science, de la technique, du rendement, de l'efficacité, du langage chiffré. Ces exigences actuelles reflètent bien le besoin de compétitions qui dévore le rugby Français. Depuis plus de dix ans, les résultats flatteurs obtenus par l'Equipe de France sur le plan international, prouvent que nos joueurs sont maintenant bien armés pour ce genre d'épreuve. Pour satisfaire cet esprit de compétition, nos joueurs ont sensiblement amélioré leur technique individuelle, en ce qui concerne les gestes essentiels, particulièrement l'exécution des coups de pieds. Cependant, les progrès les plus apparents de nos équipes se manifestent dans l'organisation collective de nos avants qui ont pris, depuis quelque temps, la direction complète du jeu. Plus disciplinés dans toutes les phases statiques, plus actifs et entreprenants dans le jeu ouvert, ils monopolisent les initiatives offensives au détriment des lignes arrières résignées au rôle de figuration.
          Sur le plan tactique, il faut également reconnaître combien les techniciens tendent à multiplier les combinaisons à la source même du jeu et à dicter des consignes d'avant match encombrant et paralysant le cerveau des joueurs. Ce qui, évidemment, entrave le jeu de mouvement et va à l'encontre dé la clarté et de la simplicité.
          En revanche, la préparation physique ou athlétique ne semble pas avoir tellement évoluée. Bien au contraire. Car quoiqu'en disent certains jeunes experts, je ne crois pas que le rugby d'aujourd'hui ait dépassé celui d'hier, ni en rythme ni en intensité. Il est trop soumis aux exigences de la compétition qui sont surtout sécurité, prudence et gagner à tout prix.
        Certes, le rugby est un sport-combat mais il est aussi le plus grand jeu créé à la mesure des hommes.
Les matches, aujourd'hui, vu la prépondérance prise par les avants, sont des batailles confuses sanctionnées par des remises en jeu inombrables suivies de coups de pieds de toutes sortes sur les quels on base ses victoires. En somme, il semble que tout ce qui faisait la beauté du jeu est entrain de disparaître.
          La technique, voire la science, sont nécessaires pour qu'une équipe adopte une méthode ou un système de jeu rentable en fonction des aptitudes de ses éléments. Mais à mon avis, elles tendent trop. à uniformiser les tactiques et à niveler, ce qui est plus grave, tout ce qui contribue à déterminer la personna lité des joueurs.
          Prisonnier de ses règles, de son champ d'action et de son nombre de parti cipants qui n'ont fondamentalement pas changé, le rugby ne peut se renou veler ni progresser éternellement. Le jeu est donc tributaire d'influences diverses et surtout de l'esprit dans lequel il est pratiqué.
          C'est pourquoi, je pense que le rugby d'hier avait un attrait plus spectacu laire que passionné. Moins envahi par la compétition, il laissait plus de liberté à l'esprit des joueurs. Pour nous, le rugby était le méilleur moyen d'exprimer ce qui caractérise, la jeunesse: vitalité, enthousiasme, besoin de satisfaire son désir d'invention, son goût du risque et rechercher enfin une liberté de mouvement qui favorisait notre épanouissement physique et moral.
          C'est surtout dans la variété de nos actions que nous trouvions la manière la plus exaltante de nous accomplir. .
Mais, il y avait encore autre chose. A ce plaisir du jeu se mêlait cet amour du maillot, cet esprit de clocher, cette camaraderie, cette amité de tous instants et de chaque jour, qui unissaient joueurs et dirigeants, pendant, avant ou après les matches, bref ce culte du club.
          Dans une ambiance confiante, amicale et chaleureuse, on fortifiait et découvrait cet esprit de corps qui nous aidait à donner le meilleur de nous-mêmes dans les circonstances les plus difficiles.
          Je souhaite ardemment que les joueurs d'aujourd'hui, aux gestes préfa briqués, et aux tactiques téléguidées, n'oublient pas le cœur et l'esprit qui animaient les joueurs d'hier pour continuer à nous offrir le beau et bon rug by de toujours. Celui que nous aimons.

          Ce rugby-résultat condamne l'aventure et c'est dommage.
          Mais hélas, il est vital pour la vie de nos clubs et satisfait pleinement ses« partisans» acharnés, que le tableau d'affichage intéresse davantage. .