REFLEXION SUR LES REGLES  
 

          En ce début de saison, il eut été normal de n'avoir à analyser que les nouvelles modifications des règles. Mais au risque de manquer d'optimisme, les observations faites cette saison, soit en matches, soit par films, soit par discussions lors du dernier stage de l'I.N.S. nous obligent à faire un petit retour en arrière et constater une fois de plus que la plupart de nos équipes, pour diverses raisons, dont la plus connue est la « prudence» s'en tiennent à des schémas de jeu utilisés.

          Il est certain que dans toutes les luttes sportives, le but principal est d'obtenir la victoire et pour cela tirer parti au maximum des règles qui, comme chacun sait, sont nées du jeu. C'est ainsi pour que le jeu s'embellisse, surtout dans le sens offensif (le Il rugby est un jeu d'attaque Il - Peter Lawless), le législateur depuis quelques années a apporté à ces règles des retouches importantes avec l'espoir de voir les joueurs profiter largement des libertés d'évolution qu'elles leur concèdent. Hélas, il faut déchanter, le bilan n'est pas positif, il est même médiocre et la neutralisation du jeu a pris le pas sur l'offensive. Prenons parmi tant d'autres un exemple qui nous a toujours préoccupé la remise en jeu à la touche malgré des modifications bien pensées pour clarifier la remise en jeu, en particulier celles qui définissent le rôle du verrouilleur, du relayeur, du déplacement des participants à l'alignement, du repli à 10 m de certains joueurs non participants. Nous assistons chaque dimanche contre toute attente, à des bousculades invraisemblables, des ballons mal contrôlés, etc., faisant de ce magnifique compartiment du jeu essentiellement dynamique, c'est-à-dire en mouvement, que ce soit pour le ballon ou le porteur du ballon, une caricature, un piège pour arbitres et joueurs réguliers. . Les dernières photos, les films des tournées de l'équipe de France en Nouvelle-Zélande et celle des Lions en Sud-Afrique sont les preuves irréfutables d'une « fossilisation» générale, même sur le plan international.

          Il est vrai qu'à la touche, l'arbitre peut décider ce que bon lui semble, sans que quiconque puisse prétendre lui donner tort, puisque, c'est bien connu, il pourrait s'il le voulait pénaliser les deux équipes en même temps. C'est ce qui explique que dans les films des tests-matches en Nouvelle-Zélande dans la majorité des remises en jeu à la touche on voit (gr a ce aux gros plans, une des rares visions exactes des matches), les AlI Blacks sauter tous ensemble, non pas seulement pour essayer de capter la balle, mais aussi pour « balancer» les adversaires et les Français essayant d'en faire autant afin de ne pas être dupés, sans que pour autant ces irrégularités soient sanctionnées comme elles le devraient
          L'honnêteté des arbitres ne saurait être mise en doute mais on applique à la manière anglo-saxonne un droit coutumier qui fait en somme que les « dés sont pipés ». Certains vous diront alors qu'il faudrait dans cette période de mutation, retoucher à nouveau les articles du règlement concernant cette remise en jeu et légaliser noir sur blanc ce qui est toléré tous les samedis et dimanches sur les terrains du monde rugbystique. A moins qu'on tolère le lancer en retrait à un partenaire, comme dans les autres sports de ballon. Mais là encore disparaîtrait l'esprit de la remise en jeu permettant aux joueurs des deux camps de disputer la balle avec le seul avantage de l'entente lanceur-preneur. Ou bien encore, on en vienne au fameux entre-deux du basket, qui toutefois pour rendre le coup plus clarifié trahirait l'esprit d'une remise en jeu réclamant toujours l'incertitude chez les défenseurs devant la possibilité de variation d'envoi par les attaquants.
          Tous ces arguments ont leur valeur mais nous pensons qu'il est plus sérieux de chercher dans le règlement actuel tout ce qu'il peut apporter d'efficace. En effet que dit la règle 27 paragr. C :

          Il est interdit à tout joueur prenant part à la touche de commettre volontairement les actes suivants :
             1. - être hors-jeu en contraction avec les dispositions de la règle 18 (3) (a) (1) ou
             2. Il. - tenir, pousser, charger, épauler, s'agripper à un joueur de l'une ou l'autre équipe ou
             3. III. . de se servir d'un joueur pour prendre appui et sauter sur le, ballon;
             4. IV. - de se tenir dans les 5 m de la ligne en touche ou empêcher volontairement que le ballon soit lancé à 5 m. Paragraphe (f) : après que le ballon a touché un joueur ou le sol, il est interdit à tout joueur pre nant part à la touche: 1. - d'être hors-jeu en contradiction avec les dispositions de la règle 18 (3) (a) (II) ou Il. - de tenir, pousser, épauler ou gêner un adversaire qui n'est pas en possession de la balle; III. - de charger un adversaire sauf pour le plaquer ou prendre possession du ballon. Cette règle 27, en somme, est trop respectueuse de l'esprit du jeu pour qu'on lui apporte actuelle ment une modification. Car au fond, qu'est-ce qu'une remise en jeu à la touche: une compétition pour prendre possession de la balle en profitant des moyens « légaux» dont disposent les joueurs et la présence de plusieurs joueurs dans l'aligne ment à l'origine était prévue pour permettre la variation dans les lancers suivant un schéma déterminé, en fonction de l'utilisation après la prise. Mais au fil des saisons, les alignements se sont organisés en général en rapport au nombre de joueurs utilisés en mêlées, alors que réglementairement on aurait pu dépasser le nombre huit aucun article du règlement ne l'interdisant, et c'est ainsi qu'on en est arrivé aux excès dont nous venons très succinctement de faire l'analyse. Il serait grand temps de repenser ce problème et très objective ment envisager les moyens techniques mis à notre disposition pour faire que la remise en jeu à la touche devienne pratiquement légale. Les règles nous le permettent en encore plus avec la modification de cette année disant paragraphe D touche: les joueurs participant à l'alignement n'ont pas le droit de quitter l'alignement avant que la touche ait pris fin. Ils peuvent dès que le ballon est lancé quitter remplacement où ils Se trouvent pour se porter vers le point où le ballon est lancé en longeant l'alignement (mouvement de peel-off). Cette nouvelle règle apporte un sérieux élément de clarification en interdisant cette caricature de raccourcissement de l'alignement en faisant partir à 10 mètres, au dernier moment, donc à la sauvette, un certain nombre de joueurs, afin de réduire l'effectif et surprendre les adversaires qui, de ce fait, étaient mis en situation hors-jeu.
             On connaît notre point de vue à ce sujet, il y a plusieurs années nous avions abordé ce problème sans être certain d'être suivi. Nous continuons à croire qu'à la touche l'organisation d'alignements à effectif réduit constitue un moyen excellent sans être unique (Lourdes joue beaucoup de ballons au delà du verrouilleur), de remédier à un état de fait qui ne donne satisfaction à personne, qui enlaidit l'esprit du jeu et risque par ses excès, de ruiner nos efforts pour que le ballon vive. Des propositions, nous les avons déjà faites, elles sont connues, surtout comme canevas sur lequel on peut broder à l'infini. Il serait peut-être bon, grâce à la modification (paragraphe D) dont nous parlons plus haut, de revoir de nouveaux placements de joueurs plus espacés dans l'alignement permettant aux 2, 3 ou 4 participants de varier leurs positions en avant ou en arrière, avant la remise en jeu, ou en avant et en arrière sans dépasser le verrouilleur après la remise en jeu, en mouvement de « peel-off ».
            Nous ne savons si nous serons entendu, mais il serait temps, car l'expérience aurait pu être tentée, il y a plusieurs saisons et nous aurions maintenant une certaine expérience de ces " COUPS" ce qui nous permettrait de les perfectionner encore.

Julien SABY