Caroline... Montez...
 
         

Il est revenu le singulier personnage à l'occasion des fêtes de Pâques. Là, sur la place du Réduit, devant une foule de badauds, l'air gouailleur, plus squelettique que jamais, flottant dans sa vieille redingote, mais coiffé d'un haut-de-forme impeccable qui contrastait étrangement avec sa « vêture « volontairement sordide.
« Mesdames, Messieurs, venez voir et surtout admirer la petite, la modeste CAROLINE »... Et devant tous, il sortit de sa valise une petite poupée habillée de blanc, enrubannée de vert et violet et lui ordonna d'une voix de stentor: « CAROLINE... Montez!... » Et on pouvait voir, mue par un artifice mystérieux dont les gens du voyage gardent jalousement le secret, la petite poupée monter dans le ciel, à la commande.

La rêverie d'un gosse, petit rouquin au visage « mangé » de taches de rousseur, fut brutalement interrompue par un quidam qui lança à la cantonade: « y'a un truc !... »

Le regard courroucé du saltimbanque arrêta net le contestataire. Je profitais de l'occasion pour m'éclipser, ayant aperçu mon vieil ami POPAUL, « sanglé » dans son éternel « smok » blanc, immaculé, de peintre.

Ayant sans doute jugé que le mystère de CAROLINE ne risquait pas d'être élucidé, il m'invita, amicalement à boire un « pion »... Ce que je fis avec le plus grand plaisir.
Les « pions » succédant aux « pions », notre verve fut intarissable, mais s'arrêta tout spécialement sur les pionniers de 1918, de Joseph COMPAN, J.-L. ITHURBIDE, Michel AZCUNE, à Eugène DUPOUY et René DUFOURG, l'inimitable « Fattia »...

Car pour « Popaul » et moi-même, la fringante CAROLINE ne pouvait être que le symbole de l'A.S.B.
Dans notre conversation à bâtons rompus tout y passa... Les grands noms des « premiers » de l'A.S.B., ces joueurs qui avaient le mérite d'être Bayonnais, comme le fit justement remarquer le Capitaine du Stade Toulousain, la vierge « rouge » de l'époque: François BORDES, à l'occasion d'un match de Championnat de France, à Toulouse; 0 à 3 en faveur des Champions de France, considérés quasi-imbattables. Ce n'était pas une mince performance...

Les grands Présidents furent aussi évoqués: Benjamin GOMEZ, le docteur Henri GORREGES, J. BRANA, Pierre LABIAGUERRE (remarquable organisateur); ceux des « nouveaux » docteur LALANNE, Charles DUCASSE, André CELHAY, R. BRUNEAU.
Et encore... Et encore...
Le temps passe vite... Un regard sur la pendule:
21 heures... Je voulus alors conclure: « mon cher Paul, tout cela est bien joli, mais il ne faut pas oublier que « la roche Tarpéienne est près du Capitole » et que la mésaventure d'un vieux club voisin et ami devrait nous inciter à la plus grande prudence... »
Il me « glaça » d'un regard: « tu craches déjà dans la soupe »... Tu ne changeras jamais. Prends donc le temps comme il vient et répète comme Fernand Raynaud : HEU... REUX ».
Avec précaution, je lui fis remarquer que la charmante ZEZETTE allait peut-être lui servir une « soupe à la grimace »... qui pourrait contraster avec son enthousiasme débordant...
Il eut alors un large sourire... « Penses-tu! »... Et il sortit triomphant, de sa poche, une magnifique CAROLINE qui souriait dans sa jolie robe et ses chatoyants rubans, à la vie... à l'amitié...

FLAG.