J'ai revu le vieil homme. Il arpentait les rives de l'Adour en rapides enjambées, offrant sa longue carcasse aux rayons de ce chaud soleil de cette fin d'hiver.
Perdu dans une rêverie immense, il soliloquait longuement, les mains derrière le dos, arrêtant sa promenade, pour plonger dans les eaux radieuses de l'Adour, un regard étonnant, qu'il élevait brusquement vers le soleil, à la recherche de l'Oiseau Blanc de légende.
Intrigué par le manège du bonhomme, j'observais, longuement, la scène, de mon repaire habituel. Puis je déci dais de l'interrompre par un joyeux:
« Bonjour, « Monsieur» Caroline! »
L'homme, soudain, se retourna et me regarda avec des yeux qui avaient l'étrange pouvoir de changer de couleur, dans la minute. Il laissa alors « éclater» sa joie.
Enfin quelqu'un à qui pouvoir parler de sa chère Caroline, avec sa volubilité naturelle et son jargon acidulé d'Enfant de Saint-Esprit.
« Caroline» (lisez l'A.S.B.) se porte bien, très bien. Elle « réduit» consciencieusement sa crise de croissance et « boutonne» gentiment. Caroline se veut franchement artisanale et supporte à merveille, les inconvénients et les avantages de sa condition. A la parfaite compréhension d'une Municipalité très sportive (Merci Monsieur le Maire!), elle ajoute la chance d'avoir un Président hors série.
Bref, si chez elle, chaque individu a conscience d'être « quelqu'un» et d'avoir une mission à remplir, elle trouve sa grandeur et sa faiblesse dans ce bénévolat dont elle supporte le bon et les méfaits incontestables...
Ce qui est le plus sensible c'est le manque de renouvellement des dirigeants. Il y a les « vieux» qui petit à petit deviennent « trop vieux » et partagent de plus en plus leur temps entre les délices de la chasse ou de la pêche à la ligne et les joies plus intellectuelles des « Chiffres et les Lettres »...
Et comment demander à des jeunes de moins de trente ans d'assumer le bon fonctionnement du « Siège»? Deux dirigeants dévoués et combien compétents réglaient la plupart des nombreux problèmes. Hélas, la maladie les oblige à un repos forcé.

L'homme continuait sa course rapide. J'avais peine à le suivre. Sa conversation « solitaire» devenait de plus en plus, sèche, à peine audible...
- « Le Cheptel» est bon. Très jeune à certains postes, il doit être amélioré. Un recrutement, sérieux, peut être envisagé. Sans vouloir, pour cela, jouer les censeurs, on peut penser que le fameux « Il vaut mieux être maître chez soi, que valet à Rome» a suffisamment valeur de philosophie pour être accepté comme précepte de base.
- « Il faut être réaliste. Je sais que l'affreux manque d'argent et la sensationnelle épopée des deux « Grands Basques» (un gros bravo !)... est un handicap certain. Il faut lutter à armes inégales, mais avec d'autres moyens, pour convaincre et réussir.
« Caroline» peut très bien y arriver et atteindre son objectif: la Division Nationale B... dans trois ou quatre ans... pas avant... »
Le rugby est un jeu où la passion l'emporte sur la raison. Une victoire sur une équipe de gros renom, sera toujours accompagnée avec tambours et trompettes, tandis qu'une « sordide» défaite sera mise sur le compte des entraîneurs ou des dirigeants, qui n'y connaissent rien, par des supporters, trop malheureux pour être jugés.
Le soleil « éclatait» dans le ciel et l'allure devenant de plus en plus folle, je pris la sage décision de tout « laisser tomber »... Soudain le bonhomme se retourna, et, gouailleur, lança ironiquement, à l'adresse de mon anatomie, principale responsable de mon essoufflement :
« Alors... il n'est de bon bec... que de la rue Maubec... » Puis sortant de sa poche une superbe Caroline, il ironisa, par une paraphrase devenue célèbre: '"
« Je reviendrai! » dites-le à tous...
N'oubliez pas... je suis le « MEC - ARTHUR» !
Un peu vexé... mais content, tout de même de ce fol enthousiasme, je le vis partir en enjambées de plus en plus longues et disparaître finalement dans le lointain.

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