"CAROLINE" A QUINZE ANS
 
 
Le soleil « éclatait » dans le ciel...
Sur la place de la République, écrasée de chaleur, la foule grouillait comme aux plus beaux jours. Sur ce forum habituel aux « gens du coin », la nouvelle - transmise de bouche à oreille - était d'importance: la venue de « Caroline »...

Elle arriva enfin... C'était une belle « plante» aux portes de l'adolescence. Elle avait quinze ans et sa distinction naturelle promettait une jeune fille superbe.

Commencée lentement - un peu à la manière d'une équipe qui traîne ses sabots - la discussion s'anima bien vite.

Interrogations violentes ou lazzi, plus ou moins spirituels, étaient le « lot» d'une controverse, très animée. « Caroline », s'insurgeait ou acquiesçait, suivant le cas, pour finalement s'emporter violemment: - « C'est incroyable » « C'est une gaine» lança un titi, bien protégé, au plus profond de la foule...
Ce 9 avril 1978... fera date. 17 à 0... Comment a-t-on pu en arriver là ? Pourtant, « on » la connaissait bien, cette équipe d'Aire-sur-l'Adour, pour l'avoir battue, par deux fois, d'importante manière!...
Tout se présentait à merveille...

Et puis, soudain, le « trou »... 17 points dans la musette ...et ne pouvoir rien dire... sinon féliciter un adversaire valeureux.

Au rappel de cet « affreux » souvenir le visage de « Caroline» avait changé de couleur. Ses propos de plus en plus débridés prenaient l'allure d'un véritable réquisitoire. Dirigeants, entraîneurs, joueurs, étaient tous, voués aux gémonies.

Véritablement « folle » d'une colère, longtemps contenue, « Caroline » perdait de plus en plus pied... et ne se contrôlait plus...

Assis sur un banc, le vieil homme jouait avec les pigeons. Bien à l'écart, caché par un rideau de spectateurs, il contrôlait, à sa manière, toute la soi-disant conférence de presse.
Son pigeon favori, « Fifi », le plus familier de la multitude (un bel oiseau, à la « gorge » finement coloriée de « vert et violet »), n'arrivait, que très rarement, à retenir son attention.
Soudain, l'homme se leva provoquant l'envol de toute la compagnie. « Fifi », lui-même, le regardait d'un œil « tout rond », désapprobateur.
Une réflexion de « Caroline » l'avait touché dans ses sentiments les plus enfouis. Alors commença une explication devenue si violente qu'elle devint parfaitement intelligible. « Dans le bouillonnement de notre vie moderne, tout marche à la vitesse grand « V ». Le rugby n'échappe pas à la règle actuelle. Son indice de popularité a diminué, l'an dernier, dans des proportions inquiétantes. Certains, ont attribué cette chute au mauvais choix des terrains ou à la présence concurrentielle de la télévision! - Combien, parmi eux, ont admis « que le choix de Bordeaux et Lyon ne se discutait même pas, il n'y a pas si longtemps?

Qui peut mesurer, par exemple, l'impact formidable apporté par la télévision au Rugby tout entier? La preuve formelle n'a-t-elle pas été donnée, à l'occasion des deux très bonnes finales: Championnat de France et Challenge Du Manoir? - Combien d'adeptes en puissance? - Combien de « mordus»?» J'ai certes, - comme tout le monde - mon idée là dessus. Ce n'est ni le lieu ni le moment de la développer. »Et il marchait... et il marchait, autour de cette place de la République dont il avait toujours contesté l'appellation. Républicain dans la fibre, cette place ne « pouvait être », pourtant, pour lui, que celle de « Saint-Esprit »...
Devant la pharmacie Lauvray il eut l'arrêt instinctif d'un chien de race; puis, un sourire amusé pour l'échoppe de « Madame Nathalie, sous les arceaux de Saint-Esprit », comme le disait la chanson...
Redevenu sérieux, il enchaîna, à l'adresse de « Caroline » :

Mais enfin... que croit-elle ?.. Que veut-elle ?.. Je n'ai pas encore inventé la « carotte magique» qui fait avancer l'équipe aux « ordres» 1...
L'A.S.B. a fait une très bonne saison. Elle a terminé à égalité de points avec Peyrehorade, laquelle est montée d'un cran (félicitations !)... L'Assemblée Générale a révélé une « conduite des opérations » parfaite, sur le plan moral et financier...

Elle possède un Président de haute volée - ici, instinctivement, le « vieux » porta la main à son chapeau -; un trésorier: M. Jean Tixador, limpide dans son exposé... et serein; un secrétaire - qui refuse de l'être officiellement - parfait et qui appelle de ses vœux un successeur de qualité.
La Société s'est magnifiquement restructurée avec une équipe solide et bien charpentée; un Comité de gestion conduit par Marcel Junquas dont on ne dira jamais assez le dévouement... et la compétence; une « foule » de jeunes qui ont, enfin, répondu à l'appel.

Et, surtout, ses « soldats de l'ombre » que sont les « vieux baroudeurs » Charles Ducasse et Maurice Darricarrère, toujours l'œil aux aguets. »
Etonnés, les passants le regardaient curieusement. Imperturbable, le vieil homme, tout à sa « passion » continuait, indifférent:
Les départs de l'intersaison? On les regrette vivement... mais à l'A.S.B., monsieur, on ne pleure pas L.. Les « rentrants » sont plus nombreux. Seize pour les premiers, vingt-deux pour les seconds. C'est positif.

Certes, la saison prochaine s'annonce plus « que » difficile, sur le plan financier, avec cette poule des « Grands » qui nous concurrencera même... le samedi. Ce qui fait le bonheur des uns...
Soudain, il s'arrêta... pile L.. Il venait de voir, juchée sur le bord de la fontaine, « sa » petite « Caroline » faire face à ses amis et à ses contradicteurs. Il eut, alors, pour toute conclusion, un sourire et cette parole « pleine » d'amour:
« Comme elle est belle...Elle a quinze ans... déjà. »
Et il partit, définitivement, en sifflotant le refrain,
Toujours à la mode: « Caroline... Caroline... chérie... »

FLAG.