Une pluie glaciale tombait sur la ville. De cette immonde lavasse que le ciel vomissait, sans bruit, seuls,. quelques flocons blancs, tentaient, mais en vain de se déterminer.,. Le front, collé contre la vitre, je regardais, mélancoliquement le manège des gens affairés et un peu ridicules, dans cette froidure, luttant contre cette neige fondue qui avait l'audace de les « agresser )} dans leur bonne ville de Bayonne.

C'était l'hiver dans toute son horreur. « Cloué, dedans » par les circonstances, je décidais, tout à coup, de consulter mon « Armoire aux Souvenirs ».

Dans le fouillis des photos de famille, noces et parties plaisantes qui font revoir le cheminement heureux, de toute une vie, je retrouvais dans le « coin» réservé à la partie sportive, une petite « merveille».
« Merveille » dans toute l'acception du terme. Prise, il y a près de 35 ans, elle a su conserver une allure juvénile. Elle raconte, aussi très bien, les états d'âme de ses dirigeants au sortir de la guerre, les initiatives les plus folles étant condamnées par un implacable « manque d'argent ". Le sigle « S.N.B. », conservé sur la boîte à pharmacie, en dépit de tous les changements, ne fait-il pas référence à la doyenne de nos sociétés sportives?

D'ailleurs, cette soif de recherches, à l'instar de nos grandes formations politiques qui ont, elles aussi, « modernisé " leurs raisons « sociales ", n'est-elle pas la preuve de la plus « haute fidélité" envers le club fondé en 1875 ? Bref! Nautique ou A.S.B. pour moi, c'est « blanc bonnet, bonnet blanc ". Les gens avertis ne le contestent pas.

Que sont-ils devenus, ces juniors de l'époque?; ceux qui étaient considérés comme les successeurs des Caillou (aujourd'hui Président de la Nautique), Estoueigt, Ecala, Henri Sanz, Audignon, Ithurbide, Labourdette, Villacampa, Couquiaud, Benoît, Davant, Portet, Fachan, Labaigt, Suhas, Cussac, Lasseougue, Irumberry, Montagut, Fort, Bellan, Foix, etc, etc.

L'évocation de ces noms prestigieux me fait, encore, chaud au cœur. Comment se fait-il qu'une équipe fanion de cette importance, épaulée par une équipe juniors de belle qualité n'ait pu, jamais, au grand jamais, arriver à la consécration? Surtout que l'équipe réserve, qui fut Championne de Côte Basque en 1939 et 1942, était considérée, par les dirigeants de l'époque, comme la formation la plus homogène du club.
J'essaierai de dire, un jour, le pourquoi et le comment de la chose.

Mais revenons à nos « moutons », en l'occurrence à cette équipe juniors que je vais vous présenter très simplement :

En haut (de gauche à droite) :
DERGUY (civil) : remplaçant de l'equipe. Très bon joueur (Le remplacement de joueurs n'était pas, à l'époque, autorisé).

PLACE: Une force de la nature. Il s'exprima complètement dans la fameuse équipe de La Rochelle, sous la houlette de Gustave Ecala. Pilier ou 3' ligne.

DACHARY : Un avant de devoir qui s'illustra, par la suite, à l'Union Sportive Dacquoise et à Côte Basque XII 1. Pilier ou talonneur.

DOMEC : De Saint-Martin-de-Seignanx. Un débutant
qui fit montre de bonnes qualités physiques. 2' ligne. TREYTURE : Avant 3' ligne de classe et par la suite buteur émérite du Biarritz-Olympique. Aujourd'hui à la tête d'un important portefeuille d'assurances.

SALLABERRY (Dirigeant).

HONTABAT : Un deuxième ligne qui promettait beaucoup. Débuta, alors qu'il n'était qu'un néophyte avec l'équipe fanion à Agen, en championnat de France.

ITHURBIDE Jacques: Malheureusement décédé. Fils de Jean-Louis Ithurbide (ex-adjoint du Maire, le Dr Delay). De son père, il avait la « charpente» et les moyens physiques. 2' ou 3' ligne.

DESPONS : 3' ligne. Adroit et subtil. J'avoue l'avoir complè1ement « perdu de vue », ce qui me sera pardonné 35 ans... après. Motard dans la gendarmerie.

COSTEMALE : Bien dans la ligne des « anciens» qui pratiquaient volontiers le rowing, l'été, et le rugby, l'hiver. Pilier solide, sachant se faire respecter.

LAMAISON Marcel: Conseiller « technique avisé ». Celui qui, aux portes de l'équipe nationale, fut, pour ces jeunes, un éducateur très averti.

Accroupis:
DARGET : Un trois-quart aile très rapide. Grand marqueur d'essais et finisseur redouté. Venu de l'U.s. Dacquoise.

CAZADE : Un des très grands de l'équipe. Sa carrière le mena en Avignon où il fut vainqueur de la Coupe de France de Rugby à XIII avec l'équipe locale. Trois-quart centre ou trois-quart aile.

LORENZO Geo : Un « gros» espoir du rugby. Ballolé par les considérations des uns et des autres, partagé entre les deux rugby, il pratiqua finalement au Biarritz-Olympi. que comme trois-quart centre. Sa carrière fut hélas brève, beaucoup trop brève, mais brillante.

SAHASTUNE Robert: Très rapide, lui aussi. Il ne manquait jamais une occasion de pointer un essai. Aujomd'hui Colonel à Toulouse où il commande les Transmissions de la 11' D.P. Très belle réussite sociale. Il joua au B.a. Trois-quart aile.
L'ENTRAINEUR : le meilleur et le plus fidèle ami de « Flag ».

LAMAISON Jean: Demi d'ouverture. Gros moyens physiques mis au service d'une excellente technicité:. 'Etudiant à Bordeaux, il joua successivement au B.E.C. puis au S.B.U.c. sous les couleurs duquel il fut international B. Finalement, il opéra à la Section Paloise en qualil_ de trois-quart centre. Installé dans la capitale du Béarn. OtoRhino-Laryngologiste. Un précurseur de la formule « SportsEtudes ),

BETBEDER : Trois-quart centre ou ailier, il jouait, en définitive arrière, poste où sa vite,;';c le p,éclisposait toujours à l'attaque à outrance.
ELISSALDE Arnaud: J'ai gardé, pour la bonne bouche, mon ami « Nono» qui fit la carrière que l'on sait, àLa Rochelle. Le « gosse» d'alors prom':ttait ." tant ». J'ai encore « plein les yeux» de ses exploits et de ceux de son complice ouvreur « Jeanik ». Une paire de demis comme on en voit peu. Il eut, également, une belle réussite sociale, à La Rochelle, dans le commerce du poisson

Cette équipe « rutilante» n'était pas la seule du genre. Elle venait, directement, à la suite des formations qui voyaient les Cézard, Ch. Mendulbetz, F. Gonzalez, Halsouet, Darraïdou, Claude Ithurbide, Elgue, Sabarotz, Suhas, Camblor; Pérez, Jacky Miremont Robert Grocq, Borreau... et tant d'autres que j'oublie, s'épanouir sur le terrain de Saint-Léon.

1945 ! ! C'était l'époque des « ventres creux »... et de la contestation. Le rugby à XIII venait de refaire surface et gardait, pour tous, l'attrait de la nouveauté... Comme chacun le sait à l'A.S B... la « Soupe est meilleure chez Mm, Harismendy »... Alors ce fut l'éclatement, la longue nuit.

Mais deux hommes devaient reprendre à zéro, cette A.S.B. frissonnante et fragile, en 1963. Ils ont noms: Emile Montagut et Manuel Gonzalès.

*Pour être précis sur un point d:histoire sportive, disons que cette brillante équipe juniors fut éliminée par celle de l'Aviron Bayonnais : un essai fulgurant, sur interception, de l'élégant Bédérède, dont j'ai gardé le meilleur souvenir.

On jouait, alors comme toujours, au Rugby à Bayonne.