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SAISON – 1980-1981

 

Le Rugby Français

 

 

Quatre vingt dix ans, c'est l'âge du rugby français. Il aura fallu près d'un siècle, pour qu'il parvienne à sa pleine maturité.

 

90 ans, pour naître, croître et conquérir. 90 ans pour connaître toutes les crises et toutes les victoires. L'enfance ce fut, ces moustachus drôlement accoutrés, qui bravèrent les quolibets, les interdictions, l'absence de terrain et... le manque d'argent. Ils faisaient du cyclotourisme pour se ren­dre sur les stades éloignés, ils jouaient dans les parcs ou sur les terrains vagues.

 

L'Anglais se moquait et ne reconnaissait pas d'adversai­res valables dans ces joueurs gauches et maladroits, dont certains, avaient en plus, le mauvais goût de n'être point des universitaires. Par la suite, ayant grandi, on voulu bien lui faire risette. On s'amusait avec lui. Il était gentil, appliqué, mais ne faisait pas le poids. Puis, il se mit à son tour à faire joujou avec eux. Sans doute les moyens employés, ne furent pas du goût des britanniques et ce fut la rupture: il faillit en mourir. Il s'en est pourtant remis et de belle façon, sans pourtant être tout à fait guéri, il n'en a pas moins prouvé qu'il avait une bonne santé.

 

Il a remporté toutes les victoires, anglais, écossais, gal­lois, irlandais, sud-africains, australiens, néo-zélandais, se sont un jour ou l'autre inclinés devant ces mangeurs de gre­nouilles. Des chemins de croix, aux voies triomphales, le rugby français a emprunté toutes « les routes de l'amitié ». L'Amitié, c'est là sa seule unité, c'est aussi, sa plus grande richesse.

 

On lui reproche encore, beaucoup de choses, son man­que d'entraînement rationnel, sa formule de championnat démagogique, ses conceptions, son accent, son chauvinisme.

 

Mais que resterait-il, si on le privait de son cassoulet, de sa pipérade, de son fandango, de sa sardane, de ses Sous-­Préfectures. Ce n'est peut-être pas du sport dans toute l'acceptation du terme, mais le rugby français est ainsi qu'il est avant tout et seulement un jeu.

 

Ce petit monde chaleureux, bonhomme, tout en rondeurs a certes su se réjouir des triomphes de « ses petits » et les arroser comme il le fallait, car, on ne laisse jamais passer l'occasion, entre amis, de boire le verre de l'amitié

 

La richesse de son passé, permet d'effacer toutes les  blessures du présent et de l'avenir. Passé, jalonné défaites que le temps à qualifiées « d'héroiques » et de victoires devenues « légendaires ». Batailles que l'on évoque, comme des embrassades, des « pignes et des giffles » qui dans les souvenirs sont devenues des caresses amicales.

 

Le rugby est ainsi fait chez nous, qu'il n'est pas devenu ce sport de voyous réservé a des gentlemen, qu'ont voulu en faire les britanniques, quoique chez eux aussi...

 

Nous l'avons adapté, à notre tempérament. Les nôtres portent le béret, roulent les RRR se flanquent de belles peignées » le dimanche à partir de 15 h... et à 17 h. vont arroser ça à la buvette du stade ou au siège du club.

 

« L'Etranger sans passeport d'Ovalie » n'en perçoit très superficiellement la langue, les gestes, les coutumes et les rites, sans jamais en assimiler l'Esprit. Comment juger avec les critères de l'intelligence ce monde du rugby, où tout est suggestif et se déroule suivant les règles du cœur.

Pendant 90 ans des milliers de joueurs, ont fait les gestes et parlé la langue réservée aux initiés. Dans tous les clubs aussi petits soient-ils, chaque dimanche on va à « la Messe de 15 h » avec toute cette foi qui soulève les montagnes et  qui parfois... fait des miracles.

 

Nonagénaire, qui se porte plutôt bien, tel est le Rugby  français.

 

J.-R.PEDARRIOSSE