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Moi j'aime le rugby

 

 

MOI J'AIME LE RUGBY Autant que Michel Hidalgo, témoin attentif et passionné, pendant l'hiver, du Tournoi des Nations, parce qu'aucun jeu de balle, et le plaisir qu'il procure, ne saurait laisser indifférent.

 

Pour quelques instants privilégiés, Michel Hidalgo oublie momentanément que le soleil ne se couche jamais sur l'empire du football dont les sujets sont à peine moins nombreux que les habitants de la planète.

 

Il est à croire, cependant, que cet amour que nous portons au rugby est d'une nature différente de celui que lui accorde son président, chaque année. Albert Ferrasse court d'un hémisphère à l'autre comme pour satisfaire le rêve d'une saison qui n'aurait ni commencement ni fin. Il y a un mois, le 25 juillet, pour l'inauguration du plus grand stade de rugby du monde, à Johannesburg, à laquelle le président Ferrasse assistait, si l'herbe kikouyou de l'Ellis Park était jaune, c'était parce que l'on se trouve au cœur de l'hiver austral.

Bientôt, pour peu que l'on n'y prenne garde, sans quitter la France on jouera au rugby sans trêve car les vacances accordées aux joueurs sont trop brèves pour qu'on les remarque. Alors, je crains que le rugby ne pèse. Il ne faut pas fourrer dans le même sac baskets, diabolo-menthe, souliers à crampons et tasses de thé.

 

Mon meilleur souvenir personnel de joueur de rugby se situe dans un Bois de Boulogne aux arbres dépouillés, sous un ciel pleurard, dans la plaine de Bagatelle où le terrain est à peu près aussi bosselé que le visage d'un boxeur qui aurait perdu tous ses combats.

 

On ignorait à peu près tout de partenaires ou adversaires, mais on était certain d'être entraîné dans de farouches corps-à-corps aggravant la difficulté de dominer les caprices du ballon qui, déjà, n'est pas rond. Ce n'était pas le Tournoi ou encore la course au Bouclier de Brennus, mais l'esprit demeurait. Le secret de la maturation d'un plaisir renouvelé à Bagatelle tenait simplement dans la réserve que l'on s'accordait sans obligation avant d'astiquer à nouveau les souliers à crampons. La tasse de thé était ensuite au bout de la rue.

 

Aujourd'hui, le rugby en sandales n'est plus seulement une admirable figure de style pour caractériser l'inspiration basque ou gasconne. On est effectivement en sandales parce que les feux de l'été ne sont pas éteints. Mais le jarret tarde à être parcouru d'un frémissement annonciateur de l'envolée. C'est plus tard, beaucoup plus tard, qu'il reviendra. Pour l'heure, on est surtout préoccupé de ne pas perdre. Dangereuse déviation qui risque de durer de durer plus longtemps qu'on ne le souhaiterait. La fraîcheur de l'âme exige des soins qui ont la délicatesse de se prodiguer à une fleur rare.

 

Sous nos latitudes, l'orchidée oublie la moiteur constante des tropiques. Elle ne triche pas avec le temps pour s'épanouir dans des formes rares et précieuses, reflet de l'imagination du Grand Jardinier.

 

Jean DENIS.