Belle assistance, ce jour-là, à l'endroit habituel
des conférences, où l'on refaisait, gaillardement, le monde... et Bayonne, en
particulier. Là, près de la rambarde qui longe la Nive, face à l'horloge des
Halles municipales, quolibets et lazzi fusaient et s'entrecroisaient.
On notait, dans le camp des bleus, les têtes
pensantes, de ce camp, avec Pierrot des Halles, si distingué, sous sa parure
blanche; Louis, le barde de la pelote et du Pays Basque, conteur émérite;
Michel, demi d'ouverture des années glorieuses; Martin et André, débonnaires en
diables bien que partisans convaincus; la Broquille qui affectionne les bras
d'honneur, à l'adresse des deux camps; Roger de la rue Maubec, etc... etc...
De l'autre côté, celui des blancs, il y avait Charles,
très conciliant à l'occasion, mais qui savait avoir la dent dure; Manu plus"
tignous " que jamais; Frédé, qui ne dédaigne pas de pêcher en eau trouble
à l'occasion; Frédé l'autre, homologue tranquille et parfait de Martin et
André, qui venait là pour rigoler un bon coup... et naturellement beaucoup
de comparses neutres, oubliés par le préposé, chargé de la rédaction du présent
procès-verbal.
Voilà planté le décor.
La parole était à "Féfé" de chez" Flavie
" j'allais l'oublier) grand défenseur du quartier Saint Esprit et qui
allait apporter un argument massue - du moins le croyait-il -à la discussion...
Savez-vous que Bayonne comptait deux rues Maubec. La
"Grande" et la "Petite" dit-il en regardant Louis... bien
droit dans les yeux...
A l'appui de ses connaissances historiques! ! ! il
extirpa, alors, de sa poche, "le vieux Saint-Esprit", l'ouvrage de
ces deux grands Bayonnais, aujourd'hui disparus" Peillic " et Isidore
Bolhandy. Ce livre est toujours sur la table de chevet du jovial trublion. Et
il rapporte le fait suivant, tiré de la même source:
"Afin d'éviter de nouvelles confusions (il y en
eut une, particulièrement cocasse) la Municipalité de l'époque, décida que
cette rue du Petit Bayonne soit appelée" Petite de Maubec" en
opposition à la "Grande"... En 1878, le nom de la rue du Trinquet,
lui est officiellement donné.
Les" bleus", apôtres du Petit Bayonne,
restèrent coi, un petit moment... Pas bien longtemps, je dois le reconnaître...
et une volée de bois vert, s'abattit sur l'imprudent qui voulait, ainsi,
redorer le blason de sa chère rue " Judaïque".
Mais de tous ces propos venus en droite ligne de cette"
Chine" si prisée des Vieux Bayonnais... n'étaient que le prélude à un
violent orage... C'est que les tams-tams situés sur les hauteurs, annonçaient
la
Aussi, le cercle de curieux s'alourdissait toujours
davantage.
Ils arrivèrent enfin, et furent salués par l'aéropage,
avides de connaître leurs impressions. Optimard, vêtu simplement d'un débraillé
qui lui allait fort bien et donnait de la couleur à son personnage, contrastant
avec la "vêture" de son ami, Pessimard était tout simplement, splendide
dans son costume bleu" anthracite" avec son éternel parapluie, accroché
par le bec... dans le dos; ses" espargates" de notable et surtout
une chemise d'une blancheur telle que la Mère Denis en la voyant, se serait
sentie toute petite, si elle avait eu le bonheur d'appartenir au groupe.
Optimard, toujours tranquille et bon enfant, prit la
parole le premier...
Alors... les amis, ça fait plaisir de vous voir... il
fait bon vivre la vie de retraité et de rigoler en famille sur tout et sur
rien. Je sais, les résultats n'ont pas été à la hauteur des espérances... Il
revenait ainsi au " rugby" car il savait bien, le bougre, que telle
était la préoccupation majeure de tous...
Arrivé, à ce point de marée, Pessimard éclata
C'est tout... ou à peu près..."
Ecarlate de rage, il sortit, sans aucune précaution
Et pourtant... il est bon de jeter un simple coup
d'œil au palmarès du Comité Côte Basque, champions et finalistes de tous ordres
s'y bousculent joyeusement. ..
Bayonne serait-elle devenue le carrefour des incapables
et des" je m'en foutistes" ? Il ne me reste plus, avec Optimard,
qu'à nous faire" kirikiki", suivant l'expression imagée, restée"
célèbre" d'un vieux de la vieille de la Battite.
Et de nouveau, il dit "un mot" à la dive
bouteille.
C'est le moment que choisit, un "bleu" bien
protégé par la carrure de l'ancien" Malabare " Arnaud, pilier réputé
de la "Battite" des années 35-36-37.
Une voix suraigüe, tranchante, comme un couteau de
Thiers, s'éleva de l'assistance: Elle se voulait sans appel.
"Ne nous parle pas toujours de l'Aviron. On sait
bien que tu ne peux pas le "chincher". N arres- nous, plutôt, les
exploits de ta chère" Battite ". Toi, "Mitraillette" tu
as raison - Il s'apprêtait à tancer d'importance son ennemi juré sur le plan
sportif et néanmoins ami préférentiel dans les autres domaines, quand il s'aperçut
de sa méprise. "Mitraillette" était absent. Ayant déniché, enfin,
le coupable qui poussait , des cris d'orfraie, il s'excusa vaguement et reprit
son monologue :
"De l'A.S.B. je vais en parler. Voilà des "Battitouns"
qui s'offrent le luxe de terminer premiers de leurs poules tant en championnat
qu'en Challenge de l'Espoir, le Challenge du Manoir des Pauvres, et qui se
font dominer par la modeste équipe de Josbaigt, puis étriller par Bizanos.
Certes, il pleuvait des cordes à St-Jean-Pied-de-Port; il y avait du vent,
de la boue... et tout le reste. Mais nous avons été dominés par une équipe
qui n'a rien, pourtant, de Béziers. Quant au match de Tartas, le score, seul,
indique les insuffisances de mes chers petits blancs: 28 à 3. C'est une honte
tout simplement. Finies les illusions. Ce n'est pas, non plus, l'exploit de
la ,saison, avoir battu le champion de France, deux fois à Saint Léon et chez
lui, qui changera quelque chose au problème.
Non! l'A.S.B. cuit dans son jus et semble s'y
complaire. Je n'en veux pour preuve que les quatrevingt-douze convives qui assistaient
aux agapes le soir de Josbaigt. On a beaucoup bu et chanté. Tout le monde était
content et fier d'appartenir à la "Battite". Moi... je me suis mis au
lit avec deux tubes de cachets d'aspirine sur la table de nuit...
Seule la formation de l'ami Suzanne a tenu ses promesses.
Avec une équipe quelque peu" rapiécée" , mais avec un "cœur
gros comme ça", elle s'est inclinée en quart de finale du Championnat de France par
10 à 9. La volonté n'exclue pas le panache! Voilà qui a été prouvé une fois
de plus.
Pour le présent, ce n'est guère plus drôle! Je ne
vois rien qui puisse remédier à ce triste état de choses! A moins que l'on se
remette au travail dare-dare et que chacun prenne conscience de ses
responsabilités.
Alors, mais alors seulement, retrouverai-je l'A.S.B.
de combat qui fit les délices de ma jeunesse. Les jeunes dirigeants actuels,
ont certes beaucoup de qualités, mais je doute que leurs options soient toujours
les meilleures! Il est important d'avoir un
Sommes-nous oui ou non des Bayonnais à part entière? L'A.S.B. en a marre d'être tenue toujours sous
le boisseau. On fait du "super luxe" pour certains et on oublie,
volontiers, la petite classe. Les mânes du dernier maire de St Esprit, M.
Vasserot, doivent tressaillir devant toutes ces embrouilles".
Ayant ainsi vidé son sac, atteint d'un subit tremblement,
Pessimard mit la main à sa poche, pour éviter les convulsions. Il ne trouva
qu'une fiole affreusement vide qu'il jeta, avec force, dans les eaux de la
Nive.
Puis, plantant là toute l'assistance, il partit, rapidement,
en direction de son domicile. Il fut bien vite rejoint par Optimard qui, pour
ce faire, "piqua" un sprint échevelé.
Et l'on vit, les deux lascars en tête à tête se prendre
par le revers de la veste, comme s'ils allaient se battre... pour finalement
tomber dans les bras l'un de l'autre.
Puis, bras-dessus bras-dessous, ils partirent définitivement
en chantant à tue-tête un vibrant" SALUT BAYOUNE"... Chanson d'amour?..
chanson d'espoir?.. Allez donc savoir avec deux phénomènes de cette trempe.
FLAG