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UN CONNAISSEUR

 

- Bonjour Benat, moi qui te croyais au Mexique!

- C'est une chance de te trouver ici Pierre, mais de toutes façons je voulais te rencontrer avant mon départ de Bayonne.

- Allons chez Pierrot nous y serons mieux pour ces retrouvailles. Je suis toujours passionné par les récits de ton activité professionnelle, tes voyages surtout.

- Depuis mon dernier passage en 1983 la compa­gnie pétrolière qui m'emploie m'a donné de nouvelles responsabilités. J'ai quitté le Mexique pour Dallas où j'ai suivi pendant un an des cas professionnels pour me préparer à ma nouvelle activité de "contrôle et coordination" .

- Un an ! C'est une grosse formation, cela a dû être difficile!

- Non car les cours sont basés sur des cours prati­ques. Il faut apprendre à analyser une situation, en établir un bilan rigoureusement objectif, organiser et coordonner le travail des différentes équipes. Cette nou­velle activité me plaît mais j'ai été affecté, pour mon premier poste, au Koweit sur un site particulièrement dur.

- J'en ai écouté parler, Golfe Persique, soleil toute l'année, il y a ce bon côté.

- Pour le soleil on est servi: 45° à l'ombre en été, 2° la nuit, un vent terrible le Shammal qui soulève des tempêtes de sable aussi peu appréciées des hommes que des machines. Ces nuages qui t'attristent aujourd'hui seraient les bienvenus où il ne tombe que 60 à 80 mm de pluie par an.

- Il n'y a pas que le désert, on parle des villes modernes...

- Ces villes poussent vite, Koweit a maintenant plus de 300 000 habitants mais on n'y vit pas comme à Bayonne. L'Islam y impose sa loi: la Sharia qui inter­dit beaucoup de choses dont l'importation de boissons alcoolisés. Nous avons peu d'occasions d'y aller, notre centre d'exploitation et de recherches se trouve à Raudhatain dans le nord à proximité de la frontière avec l'Irak, un oléoduc achemine le brut vers Mena Al Ahmadi un port pétrolier impressionnant.

Le plus inquiétant c'est que la guerre se déroule tout près, nous avons les échos...

Mais je parle, je parle, alors que nous sommes si bien ici où la conversation nous ramène toujours au rugby. A mon dernier passage en 1983 tu me faisais part de ton souci, l'A.S.B. avait raté son retour en 2 division ce qui rendait fébriles ses meilleurs supporters.

- Mon cher Benat, notre situation a beaucoup évolué depuis notre dernière rencontre et dans le bon sens. La remontée c'est fait, dieu merci, cela nous a valu de disputer la dernière saison dans une poule difficile où nous avons fait très bonne figure en se qualifiant et en gagnant les 32ieme, pas mal non?

Cette année nous partons avec un moral élevé et l'espoir de faire mieux que l'an dernier.

Nos juniors et nos cadets sont en progrès et l'école de rugby pour ne pas être en reste nous a apporté beau­coup de satisfactions. Mais la bonne santé du rugby ne doit pas nous faire oublier que nous sommes un club omnisport. Outre le karaté qui existait à ton der­nier passage, nous avons maintenant une section "cyclistes" qui a déjà glané de nombreux succès sur les routes de la région, et dernière née une section de triathlon.

Cela peut t'étonner mais c'est l'A.S.B. qui a orga­nisé le premier triathlon de la Région, elle a récidivé cette année et cela a été chaque fois un succès sportif populaire exceptionnel qui fait honneur à notre vieux club.

Si nos activités sportives sont en progrès, nos instal­lations ne sont pas en retard.

Tu connaissais notre siège place Ste-Ursule ?

- Bien sûr, et sa vétusté ne manquait pas de m'attrister. '

 

- Depuis le printemps nous avons maintenant, tout à côté, au rez-de-chaussée d'un immeuble nouveau un siège moderne digne de notre club. Comme il serait un peu petit pour les réceptions nous avions précédemment obtenu l'utilisation d'une casemate à la porte de Mous­serolles. Elle était en mauvais état mais grâce au tra­vail et l'enthousiasme de nos jeunes et des dirigeants nous avons maintenant une salle de réception "type Vauban" qui fait l'admiration des équipes visiteuses. Elle est aussi le cadre idéal de retrouvailles de nos équipiers.

Quel changement depuis ton dernier passage, aussi notre moral est au beau et à ton retour à Bayonne je pourrais peut-être me montrer plus satisfait mais... chut!

- Tu connais Pierre mon attachement à l'A.S.B., né à St-Esprit, j'ai porté son maillot avec les cadets et les juniors avant de m'exiler, mais je ne l'oublie pas. Ton tour d'horizon m'a fait grand plaisir, quel chan­gement ! Mais cette période de croissance peut s'avé­rer délicate, toutes les mères le savent.

Mon expérience personnelle m'a enseigné que la cohésion d'une équipe, le succès d'un projet ne sont jamais autant menacés que lorsque tout va bien.

Cela peut t'étonner mais l'adversité est le meilleur ciment d'une équipe tandis qu'en période de facilité des incidents mineurs peuvent lézarder, une construction qui avait jusque là résisté à beaucoup d'épreuves.

 

L'équipe dirigeante aura à régler des problèmes d'organisation et d'orientation plus difficiles, il y aura des choix plus nombreux, des contrariétés, les décep­tions seront moins facilement acceptées que lorsqu'il faut se battre pour la survie.

Les membres actifs risquent de se montrer moins accommodants pour l'application d'une rigueur indispen­sable qu'en période de vaches maigres.

- Si j'ai bien compris Bénat, nous sommes mena­cés par notre succès; tu es pessimiste pour notre avenir?

- Non Pierre, je ne suis pas pessimiste, mais je mesure les problèmes que posent votre évolution.

- Comment y faire face ?

- Pour préparer l'avenir, il suffit de connaître les problèmes qui peuvent se poser, y être sensible afin d'éviter les inconvénients que je t'ai signalés. A toi, je peux te dire un petit secret. Dans mon métier; les équipes les plus performantes sont celles qui sont les plus solidaires et qui se sentent investies de la confiance de leurs dirigeants.

Au niveau du club, les dirigeants doivent obtenir le soutien du public, toute l'équipe doit chercher à trou­ver le soutien populaire qui n'est pas actuellement à la hauteur de son mérite, c'est la confiance nécessaire au développement.

Pour la solidarité il faut obtenir une plus grande par­ticipation des anciens joueurs dans des rôles d'éduca­teurs et de dirigeants.

Voilà à mon avis ce que doit être l'objectif de l'A.S.B. pour se donner les moyens d'une nouvelle pro­gression, mais je me laisse aller à mon dada profession­nel favori alors que nous sommes si loin ici, et qu'il faut en profiter car les vacances se terminent.

Au revoir Pierre, prépare-moi de bonnes nouvelles pour mon prochain retour à Bayonne.

 

R.BRUNEAU