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"MÉMAINE MONTE AU CRÉNEAU"

 

La nuit était longue et sinistre. Seuls quelques éclairs de plus en plus violents, ajoutaient encore, à la tendance lugubre de la scène, en faisant fuir à longues enjam­bées, les rares "pékins" qui se présentaient au rendez­ vous annuel des inconditionnels du rugby.

C'était un fiasco total et Pessimard et Optimard, qui venaient d'arriver, ne décoléraient plus devant l'indif­férence générale...

Le maigre abri qu'offraient les arcades des halles balayées par le vent n'étaient plus une sécurité suffi­sante en ce jour du 7 juin 1987.

Dehors le vent et la pluie mélangeaient leurs effets pour donner plus d'horreur encore au spectacle. Une large spirale de vent venait de se former et emportait tout sur son passage, notamment, un tas de sable venu on ne sait d'où, ce qui irritait les yeux de ces "fous" du rugby.

La Nive avait pris aussi, son galop de championnat. Si bien que la petite "plachote" s'était vidée de tous ses occupants...

Une belle tempête s'annonçait et grossissait au fur et à mesure. On sait, d'ailleurs les dégâts importants, tant corporels que matériels qu'elle provoqua en ce jour maudit: il y avait tout de même une admiratrice qui descendait des halles où elle avait acheté quelques anchois dont elle raffolait, mais qui était venue là pour discuter un peu avec son ami Pessimard qu'elle savait trouver là... Elle l'aperçut la première et poussa un cri étranglé: "Marcel!" L'homme se retourna aussitôt, tout heureux de retrouver la jolie fiancée de son enfance. Sanglé dans sa houppelande boutonnée jusqu'aux pieds, un chapeau noir à la J.R., l'homme avait de la "gueule". Sur un ton jovial, la discussion s'engagea: « que me vaut l'honneur de retrouver après tant d'années ma petite "Mémaine", toujours aussi mignonne et élégante, la véritable égérie des Hauts­ Plateaux ? Bouche bée, la petite Mémaine le regardait ahurie. Qu'il était loin le petit jeune homme de son enfance! Elle se souvenait du petit arpète si mignon et pour qui elle avait eu des élans "amoureux". Senti­ments de jeunesse qui lui étaient chers; sa seule con­solation étant que tous les deux ne s'étaient jamais mariés... Elle regardait cet homme, ce "Nostradamus" de pacotille à qui il ne manquait que les revolvers pour ressembler un peu plus au grand maître du western : John Wayne...

La gorge serrée, Mémaine attaqua tout de suite, tant il est vrai que l'attaque est la meilleure des défenses. « Mon cher Marcel, il ne suffit pas de dire et d'écrire que le championnat mis sur pieds est nul "foutu", qu'il ne ressemble à rien, que bien vite ces Messieurs de la F.F.R., seraient obligés de revenir à la case départ. Ce qui s'est évidemment produit à l'heure où on a élaboré le championnat de l'année suivante, mais plus grave c'est la lamentable saison fournie par les trois clubs phares de notre coin: l'Aviron, le B.O. et le Boucau. Pour des clubs phares, ils s'éclairaient surtout à la bougie. A l'heure des comptes on pouvait les gratifier d'un zéro. Heureusement qu'il y avait les "B" et toute la cohorte de deuxième division. Saint-Jean-de-Luz a très bien rempli son contrat et donné à tous l'exemple de la discipline librement consentie.

Tous les regards des autres clubs, sentent que les "rouge et vert" seront des clients sérieux surtout au "Pavillon Bleu". Des champions de France exemplai­res à qui nous adressons nos plus vives félicitations. Mouguerre, pour la quatrième saison consécutive a "loupé" d'un poil la grande consécration. Son infor­tune contre Peyrehorade Sports est due plutôt à l'insi­gne malchance du buteur Dirriberry qui échoua de quel­ques centimètres pour le drop de la victoire. Ainsi Peyrehorade jouera l'an prochain avec les très grands, tandis que Mouguerre devra recommencer ses classes. Souhaitons aux "verts" un "chouya" de chance supplémentaire.

 

Ensuite un club de campagne - ce n'est pas péjoratif - a échoué en finale. Un gros bravo! leur exemple devrait servir de leçon... Vive Sare. Si l'on ajoute le B du B.a. la boucle est bouclée. C'est plutôt maigre. »

Visiblement la petite Mémaine s'énervait, tandis que son interlocuteur avait toujours un sourire insolent, quelque peu provocateur.

 

Le vieux stade hendayais, et l'A.S.E., deux grands noms du rugby ont perdu des plumes, mais finalement sont restés dans leurs catégories. Seuls les basques de Garazi rétrogradent; ils ont fait, pour la saison qui débute, de très gros efforts et postulent déjà pour la deuxième division...

Epuisée, Mémaine sentait deux grosses larmes embuer ses yeux de biche. Pessimard, bon prince, vint alors à son secours:

 

« Tu as raison dans l'absolu, mais tous les clubs cités ont les moyens de réagir. Leurs dirigeants, leurs entraî­neurs plaident pour eux. Leur environnement est prêt à revenir au pas de course. S'ils peuvent prendre exem­ple sur le S.J.LO., nul doute qu'ils reprendront leur place en courant. Ils ont, dans le cœur, la foi qui remue les montagnes. C'est une richesse inépuisable. Aux diri­geants de savoir jouer et bien jouer. Je ne me suis jamais immiscé dans les affaires des autres. Je préfère, de beaucoup, faire un bon gueuleton-campagne, avec toi, par exemple:

- un bon foie gras maison

- quelques pointes d'asperges tendres

- un confit de canard bien à point accompagné de quelques cèpes!

- une ribambelle de desserts.

 

Le vin sera aussi "maison", deux bonnes bouteil­les, suivies d'un champagne de qualité ». Le vin et le champagne seront la contribution de Pessimard. Ils seront de choix. Il partit d'un immense éclat de rire, la prit par le cou comme pour la protéger de la grosse tornade qui s'abattait et balayait tout. Rendez-vous fut pris pour le premier redressement de nos clubs basques. Cela ne saurait tarder.

 

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