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Tout dernièrement, j'ai rendu visite à un ami à qui l'AS.B. doit beaucoup. Tour à tour entraîneur, président de la Commission de Rugby, secrétaire général, Marcel Junquas, car c'est de lui qu'il s'agit, consacre actuellement ses loisirs à son club, par pure fidélité et en devient l'historiographe bénévole et distingué. Il m'a fait entrer dans son "atelier", comme il l'appelle - son antre de bibliothécaire - dans lequel méticuleusement, amoureusement, il recherche, découpe, classe, collec­tionne tous les écrits et articles qui relatent la vie de notre Société. J'ai relu, en feuilletant les panoramas, bon nombre de chroniques de notre très regretté "Flag" et comme pour me remercier de l'intérêt que je portais à son travail, Marcel me présentait, comme pièce de collection, une photo de l'équipe juniors des années 1944-1945 dans laquelle je figurais. Que de souvenirs!

Cette équipe "rutilante", comme la qualifiait Félix, a été un grand cru du club comme celle tout aussi remarquable des juniors 90-91 qui s'est illustrée en F. Reichel et dont les meilleurs éléments assurent déjà l'ossature de notre équipe fanion actuelle. Il m'a paru intéressant de faire l'analyse des causes de leurs succès. J'ai trouvé ce faisant, bon nombre de points de conjonction que je vous soumets tout simplement, sans prétention aucune. JJs s'inscrivent, à quelques détails près, dans l'étude de trois facteurs: le groupe et l'amitié, le rôle primordial des e_tr?Ineurs, l'esprit du club.

En 1945, au sortir de cette période trouble de notre histoire où "l'Occupation"" âvait Inéxorablement démenti la fière devise de notre cité, le sport en général et le rugby en particulier se révélaient comme les refuges uniques de nos loisirs et le club prenait une dimension d'autant plus grande qu'il détenait, pratiquement seul, les clés'de notre épanouissement physique et moral. L'on jouait atP rugby parce que l'on trouvait dans la pratique de ce sport, matière à pleinement s'exprimer, 'à découvrir les joies les plus marquantes d'une adolescence difficile, à y ressentir comme un "élan" de liberté. Il n'y avait pas, à l'époque, d'école de rugby mais un recrutement largement axé sur les établissements scolaires; l'AS.B. possé­dait un "sergent recruteur" de qualité en la personne de Henri Sanz, moniteur de sport à l'école primaire supérieure dont la notoriété en terre d'Ovalie lui permit d'enregistrer la signature de bon nombre de ces futurs juniors. L'avantage de ce recrutement se révélait d'autant plus probant que les équipiers potentiels se connaissaient en tant que scolaires et se retrouvaient sur le terrain où il confortait leur camaraderie, leur amitié. Le rugby étant un jeu collectif, l'on se défon­çait certes pour soi mais aussi et surtout pour le groupe, pour l'équipe. Cet esprit est, à mon avis, une des constantes qui conduisent au succès.

Cette solidité du groupe, on la retrouve aussi au sein de l'équipe des juniors 90-91. Issus du même creuset - l'Ecole de Rugby du club -, éduqués, façonnés, entourés et suivis, il vont tout naturellement, parce qu'ils se connaissent bien et s'estiment, former ce bloc d'amitié semblable à celui de leurs aînés et permettre à l'équipe d'accéder à cette étiquette de grand cru que je mentionnais ci-dessus.

Mais le succès de l'équipe n'est pas dû au seul fait de ses joueurs. Il dépend par ailleurs et pour beaucoup du rôle primor­dial de l'action soutenue et sans faille de ses entraîneurs. La valeur de ces deux équipes surprend moins lorsqu'on sait qu'en 1945, le groupe était dans les mains de Félix Abéradère et Marcal Lamaison, tous deux conseillers techniques avisés et éducateurs très avertis et en 1990 dans celles de Robert Lacassagne et Guy Darritchon dont la compétence technique et le sens de l'humain sont de longue date appréciés et reconnus: tous quatre constituant un label de qualité indéniable.

Enfin le troisième volet de ce tryptique a trait à l'esprit du club. Porter fièrement son maillot, défendre chèrement ses couleurs, ces jeunes l'ont su faire. Ils ont ainsi concrètement confessé dans l'esprit et dans les actes, leur vœu d'obé­dience au club, à cette entité qui s'apparente à une grande famille et qui a su tisser entre ses membres des liens indéfecti­bles, ceux qui enlèvent l'adhésion, confortent les motivations, transcendent parfois. Il n'y a pas de véritable victoire sans cet état d'esprit.

Je viens de refermer l'album aux souvenirs. En ce début de saison 1992-1993, l'AS.B. a tout pour bien faire. Elle a les ressources en effectifs, les entraîneurs et les éducateurs qu'il lui faut, les ambitions auxquelles elle peut légitimement prétendre. Le plus important à mes yeux est de se montrer digne de son passé.

 

Robert SAHASTUNE