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Rugby ! Tu perds du terrain
 
     
Il n'est pas question dans ce propos de sombrer dans un passéisme de mauvais aloi, mais de constater tout simplement,
et les personnes de ma génération ne me contrediront pas, que dans ce bas-monde, rien n'est comme avant. Cette évi¬dence se concrétise naturellement dans le quotidien mais se vérifie aussi dans le sport en général et dans le rugby en particulier. Entre Nive et Adour, dans ce fief qui est le nôtre et où, il y a quelques temps encore, le rugby avec la pelote était considéré comme le sport-roi par excellence, s'accentue une désaffection pour ce jeu qui se manifeste au niveau du public et des médias d'une part, au niveau des jeunes - et c'est plus grave - d'autre part. J'ai voulu en connaître les raisons: tel est l'objet de ces quelques lignes.
Ce n'est pas faire preuve de pessimisme que de constater que le rugby ne fait plus recette à Bayonne notamment. Il suffit de se reporter au décompte des entrées au Parc Municipal des Sports - même pour un match de championnnat de l'Aviron - pour s'en persuader.
De nombreuses raisons et pas simplement "économiques", sont à l'origine de cet état de fait. Certes, en ce temps de crise, le prix d'un abonnement annuel pour un club de première division, parce qu'il risque de gréver le budget familial, est un facteur à prendre en considération mais il ne peut expliquer à lui seul la baisse du taux _d'occupation des places de tribune. Cette désaffection s'inscrit plutôt dans un faisceau de raisons conjoncturelles trop nombreuses pour les énu¬mérer toutes. Les plus probantes à mon avis sont de trois sortes.
En premier lieu, localement parlant, et l'on ne peut que le regretter, il n'y a plus de grandes équipes de rugby, du genre de celles qui servaient jadis de locomotives aux petites équipes du cru; il n'y a plus de grands noms de joueurs; il n'y a plus d'affiches alléchantes, de celles qui déplaçaient les foules. Par ailleurs, et c'est une deuxième raison, l'enjeu prime le jeu, le conditionne. Il faut assurer coûte que coûte la victoire et il f}'est pas dès lors surprenant, dans ce jeu qui par opposition au football est un jeu à la main, de voir des séries s'inscrire exclusivement par des coups de pieds de pénalité. Enfin le rugby se complique et chaque saison nouvelle escortée d'un chapelet de règles de jeu différentes de la saison passée que même l'initié n'arrive pas à assimiler. Quand est-ce que les instances fédérales comprendront que le public se moque de voir si, dans l'alignement, le ballon a été dévié par la main intérieure ou le bras extérieur et qu'il attend avant tout de bons enchaînements, de belles envolées, qu'il attend avant tout du spectacle.
Ceci dit, cette désaffection s'insinue également au niveau des médias, de la presse en particulier, le rugby n'y retrouve plus la place prépondérante qu'il occupait dans les rubriques sportives. Son "Tour d'Ovalie" a tendance à se rétrécir comme peau de chagrin et laisser la place à une "Dans la lucarne" beaucoup plus prolifique et dangereusement concu¬
rentielle. Il y a là matière à réflexion et ce constat mériterait une intervention du comité Côte Basque auprès de la presse locale pour remédier à cette situation.
Le dernier volet de ce triptyique concerne le désengagement des jeunes pour le rugby et le sport en général. Il y a en effet une population de jeunes de seize à vingt ans qui délaissent le stade pour d'autres lieux ou d'autres passe-temps plus contestables et à plus gros risques. C'est aux dires de certains éducateurs, un signe des temps. Ce qu'il y a de sûr c'est que, dans la conjoncture actuelle, le jeune - pas le sien naturellement, mais celui des autres - ne trouve ni dans la famille d'une part, le nombre des divorces n'a jamais été aussi élevé - ni dans l'école d'autre part, "Monsieur l'instituteur" est devenu l'instit de nos jours et certains lycées les pourvoyeurs de drogue et de préservatifs - les piliers fondamentaux et traditionnels indispensables à sa formation d'homme. Plus que jamais il se sent livré à lui-même et le risque de glisser dans le désœuvrement et ses c9nséquences, le guette d'une manière plus aigüe. C'est une situation préoccupante et nous sommes tous concernés, l'Etat, les éducateurs, les parents. Si des mesures sont à prendre à cha¬
cun de ces niveaux, celle qui me paraît la plus immédiate c'est de convier les parents à inciter leurs enfants à pratiquer le sport et le rugby en particulier parce qu'à mes yeux cette discipline requiert plus que d'autres des qualités physiques et morales que sa pratique développe et qui s'avèrent indispensables à la formation de l'individu. Et puis, quand les jeunes sont sur le stade, ils ne sont pas... ailleurs et c'est sécurisant pour les parents.
Voilà. En quelques lignes sans prétention, je n'ai fait qu'effleurer un problème d'actualité en essayant simplement d'en analyser certaines données. Pour l'aborder, il m'a fallu regarder la réaliter en face et l'exprimer par des termes qui peu¬vent paraître outrancier mais qui m'ont paru nécessaires devant le caractère préoccupant de cette situation, d'autant, et c'est ma dernière information: Jeudi 11 novembre 1993, 7 h 50. Emission France Inter Nord-Sud Est-Ouest: "Le cor¬respondant de France-Inter à Madrid relate l'inquiétude du gouvernement espagnol devant les méfaits de l'alcool dans la jeunesse et l'hécatombe sur les routes des jeunes de quatorze à vingt-cinq ans causée par l'ivresse". Puissent les
Pyrénées faire barrière à cette hémorragie.