1944-1945
Pillée par les treizistes
La
reprise du rugby à XIII provoque des départs de quinzistes recrutés par les
clubs du Midi et du Sud-Est qui offrent situations et manque à gagner. Ainsi,
les Boucalais Calbète, Martin, partent pour Carcassone, le Luzien Dop pour
Marseille, etc… La Nautique est littéralement pillée par Côte Basque qui
reprend ses anciens joueurs. Henri Miremont et son maroquin son convaincants.
Caillou, Fachan, Etchart, Sanz, Audignon, Irumberry, Fort, Martiquet, Larran,
Hyppolite quittent la Nautique au début et en cours de saison.
Tous
n’abandonnent pas la vieille société bayonnaise. Les dirigeants lui restent
fidèles. Parmi eux, Gachy, Abéradère, Bousquet avec ténacité et courage,
reforment une équipe avec quelques anciens et de nombreux juniors :
Estoueigt, Villacampa, Miranda, Grocq, Dinclaux, Césard, Suhit, Lafitte, Jimmy
Hourdillé, Ithurbide, Lorenzo, Cazade, Darraïdou, Pérez, Treyture de retour de
Paris, le Catalan Galxet, le Palois Lasserre,
C’est la Libération et Flag reprend
ses chroniques dans Le Courrier renaissant.
Ses poulains lui permettront
d’écrire de belles pages. Le 19 septembre, ils débutent la saison par une
victoire en amical à Tyrosse 13-3, puis récidivent contre la Section
Paloise11-8 et Tarbes 15-3 :
En championnat, poules de six, la
Nautique est avec Bègles, Cognac, Biarritz, Bergerac, Soustons.
A St-Léon, elle concède le nul à
Soustons 0-0. Puis elle bat Bergerac 6-0, Cognac 6-0 également, s’incline à
Bègles 16-3 et oblige le Biarritz-Olympique à partager les points à Aguiléra
0-0.
C’est le 12 novembre 1944 et Jean
Soulé résume la partie dans Le Courrier :
« Jouée
sur un terrain très gras et avec un ballon glissant, cette partie a été plutôt
terne.
Deux
tactiques se sont opposées. La première, et nous disons la meilleure,
consistant à courir avec conviction sur des coups de pied à suivre, fut
employée avec bonheur par les visiteurs qui, en trois reprises, au moins, se
montrèrent très dangereux. La seconde tactique fut employée par les locaux.
Elle fut désastreuse. Dominant en mêlée dans la proportion de neuf sur dix, ils
s’acharnèrent à ouvrir, perdant chaque fois un terrain appréciable. Cette
obstination à vouloir jongler avec un ballon quasiment insaisissable pour eux,
alors que les jeunes de la S.N.B. s’en emparaient avec sûreté, leur a coûté le
match que leur supériorité en mêlée pouvait leur faire gagner. Les visiteurs
ont joué avec un cran admirable. Faisant jeu égal à la touche, ils ont étouffé
par une mobilité plus grande, les tentatives du B.-O. Une mention spéciale à
leur jeune arrière Darraïdou. Arbitrage de M. Pariès. »
En
poule de quatre, elle s’incline trois fois devant de grandes équipes : A
Lourdes 22-0, à Agen 9-3 ; elle gagne le seul match qu’elle joue à
domicile : 5-0 (un essai de Laffite, une transformation de Jimmy
Hourdillé).
En
coupe de France, elle s’incline en 32e de finale, à Aguiléra, devant
la supériorité du F.C. Oloron 9-3.
En
fin de saison, elle organise un match de bienfaisance contre le B.-O., avec en
lever de rideau, une rencontre entre les anciens des deux clubs. Les Biarrots
enlèvent les deux parties : La première 16-3 ; la seconde 16-3 au
cours de laquelle on a constaté la bonne forme des toujours jeunes Haget,
Ithura, Lefort, Daguerre, Labruquère, Sallenave, Laborde, Miranda, Badie,
Pérez, Couquiaud, Benoît, Emile Toulet, Lavielle, etc…
En fin de saison, la S.N.A.S.C.B. joue deux matches amicaux
lors
d’un week-end de juin à Niort et Rochefort.
Devant l’hôtel de Rochefort, où, paraît-il, les nuits
furent chaudes, on reconnaît :
En haut : Garbay, Hourdillé, Darraïdou, Placé,
Tarascon.
En bas : Sanz, Pédariosse, Ecala, Arnaud
Elissalde « Nono », Treyture, Damestoy,
Lanusse, Ithurbide, Barry,
Dacharry, Rozada, J. Lamaison.
André TREYTURE
Parmi
les jeunes joueurs, il faut détacher André Treyture, enfant de St-esprit, qui
suivit les traces de son père à l’A.S.B. Il a fait un parcours atypique. De la
Nautique il est passé à Côte Basque XIII puis au B.-O. Solide 3e
ligne centre, il est doté d’un coup de pied hors du commun. Il fut l’un des
rares buteurs, avec Puig-Aubert, à tenter des tirs de plus de 50 mètres. Il
nous précise cet été : « J’allais à l’entraînement, une demi-heure
avant les autres. Il n’y a rien sans le travail. Avant les matches je faisais
dégonfler un peu le ballon pour bien le taper. C’est qu’il était lourd, plus
gros qu’à présent, avec des lacets fermant le cuir pour contenir le boyau en
caoutchouc. Il fallait souvent le tenir au sol et j’avais en Marcel Jol un gars
capable de bien le maintenir, sans le lâcher. On tentait trois ou quatre coups
francs par match, il ne s’agissait pas d’en rater trop ! ». Excellent
nageur, champion de Côte Basque de pala avec la Nautique, il jouait également
très bien au tennis. Rugbyman au B.-O. il est licencié
à l’Aviron au tennis. « Un dimanche, lors d’un derby j’ai donné un coup de pied
au derrière d’un Bayonnais, cela m’a valut d’être exclu du tennis de l’Aviron,
malgré l’avis du président Henri Grenet, avec qui je jouais parfois à la pala !
Finalement, ils m’ont repris et j’ai gagné un tournoi de l’Aviron. Pour la
finale, j’ai mis des chaussettes du B.-O. ! » Autre temps…
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Félix
ABERADERE Flag
Félix
avec les juniors 1945-46 de la Nautique A.S.C.B.
1er rang : Jean
Lamaison, Betbeder, Arnaud Elissalde.
2e rang : Darget,
Cazade, G. Lorenzo, R. Sahastune, F. Abéradère (entr.).
Debout: Derguy, Placé, Dachary,
Domec, Treyture, Sallaberry (dirigeant), Hontabat, J. Ithurbide, Despons,
Costemale, Marcel Lamaison (dirigeant).
J’ai
connu le bonheur de travailler, apprenti, avec cet immense bonhomme qu’était
Félix Abéradère. Plus tard, gâté, j’ai également secondé un autre
typographe-linotypiste-reporter, pince-sans-rire, toujours au Courrier,
Robert Bob Rozier.
Avec Félix, la vie s’écoule aux
accents joyeux de l’A.S.B. sa Battitte. Plus tard à ceux de la
Nautique.
Le lundi après une victoire
dominicale de l’A.S.B. le sourire était de mise. Pourtant un de ces lundis, je
suis très étonné de le voir joyeux alors que l’A.S.B. a perdu. Au Boucau, je
crois. je ne comprends pas. C’est Edouard Flous qui me
met au parfum : « C’est parce que l’Aviron a perdu ! ».
Car, l’Aviron c’est, pour Félix, l’ennemi n° 1. Mais attention ! Pas sur
le plan méchanceté, car je ne sais s’il en est capable. Non, sur celui de
l’humour bayonnais.
Ses chroniques du mercredi dans Le Courrier, signées Flag ne manquent pas d’humour. Elles sont écrites pour taquiner Le Vieux des Tribunes plutôt Avironard. Dans des contes savoureux, il assimile parfois l’A.S.B. à la colombe blanche de Caroline, fillette de la rue Ste-Ursule, à la robe vert et violet, triste ou joyeuse selon que la Battitte perde ou gagne.
Plus tard, lorsqu’il devient l’associé d’Azalté à la société Affrêtement Côte Basque, cette rivalité demeure. Le brave Chanoine vient aux nouvelles, rue Albert-1er, siège de la société. Jean-Pierre, le fils de Félix, vous en contera de belles. Lorsque le Chanoine travesti un peu les propos de Félix c’est une après-midi de bronca ! Car les journaux locaux sortent l’après-midi. La polémique repartie pour une semaine. Plus tard, pour se venger, il arrive à Félix de donner au Chanoine de fausses nouvelles ! Il ne manque pas de lui signaler, pour bien enfoncer le clou : « Vous savez, on forme puis on nous pique les joueurs. Par exemple, on parle beaucoup des quatre frères Spanghero, de Narbonne. Nous aussi, on a eu quatre frères formés à l’A.S.B. : Robert, Emile, Roger, Jean Dauger… »
Il portait sur lui un petit carnet noir. « C’est, dit-il, pour noter tout ce qui se dit de mal sur l’A.S.B. ». C’était quand même un bonhomme influent, le Félix. Lorsqu’il disait à un de ses détracteurs : « Vous avez dit ça sur l’A.S.B. c’est bien je le note pour m’en servir plus tard. Avec les autres. » L’autre se confondait en excuses. Félix, magnanime : « C’est bon pour cette fois, mais n’y revenez pas ». Finalement, il n’a jamais rien écrit sur son carnet…
Son fils va lui donner bien des satisfactions à l’A.S.B. puis à l’imprimerie familiale. Jean-Pierre, est, c’est vrai, à bonne école. Son père l’a toujours mis en garde contre l’Aviron. « Tu sais, dans mon enfance, il était interdit de pleurer et de se plaindre. Ceux qui se plaignaient et pleuraient ont, forcément, joué à l’Aviron ». Cinéphile il emmène souvent son fils au cinéma. Un jour, à la Féria, ils vont voir « Jeanne d’Arc » avec Ingrid Bergman. Celle-ci a une scène où elle tombe en larmes. Jean-Pierre demande tout bas à son père : Dis, papa, elle aussi elle a joué à l’Aviron ? ». Un peu plus tard, ayant récolté de mauvaises notes, il le menace : « Si tu continues je te fais signer une licence à l’Aviron ! ». Suprême menace…
En somme, c’est cela, l’esprit bayonnais avant et après la guerre… C’est un jeu auquel on s’adonne sans malice, sur le forum de la place de la Liberté, du pont Mayou et de la rue Albert-1er.
Heureuse époque.
L’ami Flag
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1945-1946
La poule au pot…
A l’orée de la saison, Marcel Lamaison, un héros de l’A.S.B., qui tint la dragée haute en sélection au phénomène toulousain Struxiano, déclare dans un interview à Le Courrier du 9 septembre 1945 :
« Tu connais mes principes : des jeunes, toujours des jeunes, encadrés par quelques chevronnés. Saignée aux quatre veines l’an dernier, la Nautique a fourni une saison satisfaisante. Nos juniors ont sauvé le club. C’est à eux encore que nous demanderons un très gros effort pour la présente campagne car les racoleurs, qui prisent sans doute l’efficacité de notre méthode, n’ont pas manqué de faire à nos athlètes des offres alléchantes. Quelque uns se sont laissés prendre au leurre ; d’autres ont demandé à réfléchir, mais tout ceci crée un climat défavorable et j’avoue que notre tâche est devenue impossible. (…) Notre poule est très dure, mais nous la mettrons au pot ! »
Néanmoins, la Nautique reste confiante. Elle peut compter sur l’abnégation et le talent de ses anciens et de jeunes joueurs : A l’arrière : Darraïdou et Lagarde ; en trois-quarts : Sanz, Estoueigt, Grocq, Cazade, Mimiague, Sahastune, Dumas, Pinsolle, Lorenzo, Benoît, Dupouy, Rozada, Elissalde, Lebrère, Recart, Hourdillé, les jeunes André Treyture (18 ans), Jean Lamaison, Arnaud Elissalde ; à l’avant : Darmendrail, Eliceyrie, Lasserre, Carbonnel, Suhas, Baris, Gaxet, Pédariosse, Elissalde I, Halsouet, Ithurbide retour de captivité, Arrizabaleta, Dibarrart, Dinclaux, Damestoy, les Biarrots Hénon et Costedoat. Entraîneurs : Ecala, Dumont ; manager : Lanusse.
Elle débute la saison par des matches amicaux avec ses amis d’Hendaye, du B.-O. et du Bouca-Stade. Elle s’impose à Hendaye 25-5, à Aguiléra 25-11, s’incline à Piquessary 22-6.
En championnat, elle est à nouveau dans une poule difficile avec Castres, Narbonne, Brive, Oloron, P.U.C.
Elle ne peut remporter qu’un succès face à Brive 15-3, perd contre Castres 9-0, Oloron 8-3, Narbonne 17-6. Pour le dernier match à St-Léon elle reçoit le P.U.C. qui possède une équipe redoutable avec l’Hendayais Alzaté, le Biarrot Jorge, le Bayonnais Pétriacq, Despessailles, le géant Massare, Adami, Hausséguy, Hagolle, l’Anglais Philip. La Nautique s’incline 27-4 (7 essais, 3 transf. à un drop d’Hourdillé). A la décharge des Bayonnais, ils jouèrent à 14 suite à la blessure de Lorenzo, puis celles de Sanz et Mimiague, cantonnés aux rôles de figurants.
En coupe de France, la Nautique passe les deux premiers tours : A Nay 3-0, à St-Léon 5-0. Elle s’incline au S.B.U.C. 7-4.
Grande saison de l’équipe réserve qui remporte le titre de champion de Côte Basque en battant en finale, celle de l’Aviron Bayonnais 8-3 (2 essais : Collet, Dupiot, 1 transf. à 1 but sur coup franc).
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1946-1947
Abandon du XV pour le XIII
Au début de l’été 1946, la F.F.R. annonce son nouveau championnat. La Nautique conserve sa place dans le tableau A de la 1ère division, 54 clubs répartis en six poules de neuf avec cinq qualifiés par poule. Dans la poule 4, il côtoie : Biarritz, Montauban, Gujan-Mestras, Lyon O.U., C.A.S.G., Tulle, Fumel, St-Jean-de-Luz.
Mais, coup de théâtre ! Les rumeurs qui circulent durant l’été se font de plus en plus persistantes : La Société Nautique A.S.C.B. va abandonner le rugby à XV pour suivre Côte Basque XIII. Cette fois, il ne s’agit pas d’une fusion, mais d’une entente. Côte Basque s’allie avec Bordeaux pour contrebalancer les nombreux départs de ses joueurs vers les clubs de la zone méditerranéenne aux offres beaucoup plus alléchantes. Mais il lui faut une assise bayonnaise avec, notamment, une équipe juniors. La Nautique accepte les propositions de M. Miremont.
Une première assemblée générale se tient le samedi 21 septembre 1946 en présence de M. Paul Barrière, président de la Ligue de jeu à XIII. Le quorum n’est pas atteint mais les présents votent à une écrasante majorité l’abandon du rugby à quinze. Une deuxième assemblée a lieu le 28 septembre. Cette fois, pas besoin de quorum et la démission de la F.F.R. est largement et officiellement approuvée. La section est autonome mais fait partie de la Société Nautique.
Son siège reste au 62, quai des Corsaires.
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(Voir la suite à la
partie consacrée au XIII)