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Le 9 décembre 2008 par CHERGUI
TRIBUNE LIBRE
   

UN VENDREDI MATIN SUR LA RIVE DROITE DE BAYONNE

 

8h10 : Je grimpe à bord de mon automobile de marque Peugeot afin de me rendre à mon rendez-vous chez mon dentiste afin qu’il ausculte ce qui me sert de dentition après avoir longuement et minutieusement dégivré mon pare-brise afin de ne laisser au hasard aucun angle de vision durant ma conduite.
 
 
8h15 : Je remonte l’avenue Plantoun (non loin de la piscine des Hauts de Sainte Croix) et j’entame ce long virage incurvé vers la gauche qui m’emmène à l’avenue Mounédé qui dessert les blocs HLM de la petite ZUP. Soudain, arrive à toute vitesse, face à moi, une pseudo voiture de sport noire. Elle double furieusement et dangereusement une voiture verte qui descend tranquillement l’avenue. Dieu merci, dans ce quartier les routes sont suffisamment larges pour laisser de la place à tout le monde, les ascendants, les descendants et les oppressants. Je me déporte sur la droite de la chaussée et scrute à travers le pare-brise vulgairement dégivré de la voiture noire qui viole ma priorité. Je devine une coiffure blonde décolorée et finis par discerner le visage célèbre du troisième ligne aile de l’Aviron Bayonnais Rugby Pro : Rémi MARTIN. Etonné par une telle précipitation à cette heure-là, je finis par me souvenir que son équipe joue ce soir au Stadium de Toulouse la tête du Top 14. Il devait sûrement être en retard pour le départ de l’autocar et je me dis qu’il n’a pas dû se lever assez tôt pour être pressé de la sorte. Démarrer en retard, Griller les priorités, Se presser, voilà des attitudes qui ne font pas bon ménage avec les fondamentaux du jeu de Rugby. Tout cela ne laisse pas présager une belle prestation pour les bleus et blancs de l’Aviron Bayonnais, ce soir à Toulouse.
8h30 : Mon dentiste me reçoit sur la chaise de torture qui est la sienne dans son cabinet . Alors qu’il aborde la discussion à propos des difficultés rencontrées dans l’encadrement des catégories de jeunes à l’A.S.B., je me dis qu’il s’agit d’un monologue qu’il me fait là ! Je finis alors par comprendre comment ce dirigeant hors pairs a réussi dans son rayon rugbystique ! En triturant vos dentitions parsemées de caries et autres impuretés, ce génie de l’Ovalie analyse, métaphorise et surtout égratigne les idées reçues sans que vous puissiez le contredire car il promène ses doigts dans votre bouche. Les discussions sont alors de passionnants monologues auxquels vous ne devez surtout pas vous opposer sous peine de prendre le risque d’avoir droit à un arrachage de dents sans anesthésie. Un vrai barbare ! Mais un barbare qui garde un goût très prononcé pour les valeurs universelles véhiculées par le Rugby, le vrai, le bayonnais, celui de l’A.S.B.. La discussion ( ?!) s’achemine vers un fait rugbystique bayonnais qui aurait pu passer inaperçu dans la semaine mais qui n’a pu résister à l’œil acerbe du génie dentologue . Il s’agit de l’inauguration hier par le député-maire de la ville Jean GRENET du stade Christian BELASCAIN anciennement Tour de Sault (ou pour les adeptes de Manumilitarix : « le Saint Tétique »). Il s’y trouvait afin de représenter l’A.S.B. en sa qualité de vice-président. Il me fait remarquer ce qui l’a choqué hier lors de l’inauguration du stade au nom du défunt sous un temps humide et la caméra discrète de FR3… Ces doigts dans ma bouche je ne peux lui dire que ceci m’avait également interloqué. Mais il le dit avant moi. Ceci : c’est l’aveuglante absence de représentants de l’Aviron Bayonnais Rugby Pro. Pas de président, pas de directeur sportif, financier, etc., pas un joueur, pas un employé de S.A.O.S. (Société Anonyme à Objet Sportif). En stage de préparation à Capbreton… Un Jeudi Matin à 11h30, personne ne pouvait se libérer au sein de l’entreprise nationale pour saluer la mémoire d’un des artisans de cette entreprise ? Un véritable chiisme qui illustre le fossé existant entre le Rugby et le Rugby professionnel. Une honte à mes yeux pour le rugby bayonnais. Quand on se dit qu’il est possible par contre, pour une poignée de joueurs bien rasés de se libérer pour aller poser la première pierre du grand projet immobilier au centre ville de Bayonne (La Féria) pour un promoteur national Kaufman & Broad. Signe ironique du destin, nous savons tous en tant qu’habitant de la ville, toutes les difficultés rencontrées lors de la construction du dit immeuble pour des causes de fondations instables…
La suite du supplice dentaire sera un pur délice pour mes oreilles délicates. Un savant mélange d’anecdotes ovalistiques chalossaises et de coups de scies dans la vie rugbystique du B.A.B…
     
       
   
9h15 : Je rentre chez moi en longeant l’avenue de Jouandin où le Club Bouliste Bayonnais ouvre ses portes aux premiers errants des Hauts de Sainte Croix.
   
   
9h30 : J’arrive chez moi pour y boire un petit café en compagnie de ma tendre mère. Puis j’enfile une écharpe, une paire de gants en laine. Je m’engage, une dizaine de minutes plus tard, sur le boulevard Alsace-Lorraine. Je discerne les chamailleries des résidents de la maison d’arrêt qui profite bruyamment de leur balade quotidienne. La matinée est fraîche mais un soleil radieux illumine Saint-Esprit. Je m’arrête tout au long de ce boulevard pour discuter avec les chalands qui m’arrêtent pour me demander des nouvelles de la famille ou des rencontres à venir pour les jeunes de l’A.S.B..
   
         
10h15 : Je fais une pause chez ma coiffeuse favorite qui se trouve sur le boulevard, face au « Balto ». Xantal m’accueille avec sa chaleur habituelle. Une nouvelle employée dans ce délicat salon de coiffure n’est autre que la petite amie du valeureux joueur junior de l’A.S.B. : Christian LOUIS, la belle Cindy est toute aussi souriante que sa patronne qui s’occupe de ses clientes spiritaines du moment. L’impertinence de ces virtuoses du peigne et du séchoir est dans la lignée de leur mère spirituelle, j’ai nommé Monique MARMAYOU qui tient son salon à deux pas de là. L’histoire d’amour entre les ASBéistes et les coiffeuses spiritaines ne fait que continuer…
La discussion avec Xantal tourne souvent autour du quotidien. Aujourd’hui, l’actualité nous a rattrapé car hier soir est mort de froid dans son sommeil le 5ème sans abri pour cette saison hivernale. Ces longues discussions sont animées car Xantal fait partie de ces femmes courageuses à qui rien ne fait peur, une battante pur jus.
A travers sa large baie vitrée, j’observe rêveur le café « le Balto » où les clients se pressent et s’agitent. Je me dis qu’il y a près d’un siècle, en ce lieu, nos illustres ancêtres fondaient l’A.S.B.. Je me demande si nous sommes toujours dignes de leurs mémoires. Il faut dire que l’histoire de l’inauguration d’hier sur la rive gauche me laisse sans voix (et avec quelques douleurs aux molaires !!!)
   
   
   
11h15 : Je suis au Monte-Carlo. Il s’agit du café qui se trouve face à la gare de Bayonne. Un haut lieu d’échange spiritain tenu par l’incontournable Mikel OCHANDIANO (champion de France 1991 –il était encore Juniors-). Il s’agit du Café dans toute sa simplicité et dans toute sa modestie. Tout ASBéiste qui se respecte à déjà été boire un café au Monte-Carlo. Il peut y voir cette sublime stèle qui arbore un pilier de l’établissement (une pierre noire aux couleurs de l’A.S.B.). Je suis reçu par la gentillesse habituelle de Zacki le serveur inamovible de cet établissement phare de Saint-Esprit. Je n’oublie pas que Zacki a porté également le maillot de l’équipe réserve de l’A.S.B. au début des années 90. Je déguste mon café à l’extérieur pour profiter de la chaleur des rayons de soleil qui percent en cette fin de matinée et pour fumer une bonne cigarette. Tout en feuilletant les pages du quotidien Sud-Ouest, je regarde passer les familles qui au compte-goutte se dirigent vers les arrêts de bus de la gare pour regagner leurs domiciles (pour la plupart sur les Hauts de Sainte Croix), chargées de leurs paniers remplis de denrées distribuées sur le quai de Lesseps par les associations caritatives dans le cadre des colis alimentaires du Vendredi. C’est la cour des miracles et cela donne des couleurs à la journée ! Je tombe sur une page du Sud-Ouest où posent les personnes présentes à l’inauguration du stade Christian BELASCAIN. Le journaliste (si je peux le nommer ainsi) oublie poliment de souligner l’aveuglante absence de représentant du Rugby Pro et décrit dans un mince article les banalités qui l’entouraient comme pour nous rappeler que quelque chose ne va pas bien mais qu’il ne faut surtout pas nommer. Décidément cette histoire d’inauguration me hante l’esprit depuis hier et je n’arrive pas à m’en défaire… Après avoir échangé deux ou trois âneries avec J.-C. le plongeur du restaurant voisin, je me dirige vers le siège de l’A.S.B..
 
   
 
11h45 : Je contacte par téléphone les cadets qui sont privés d’entraînement depuis le début de la semaine pour cause d’impraticabilité des terrains sur la commune d’Anglet. J’égrène les numéros et laisse des messages à ceux qui ne me répondent pas. Ce qui m’étonnera toujours à l’A.S.B., c’est qu’un Vendredi à 11h50 tu peux réveiller un garçon de 15 ans qui n’est pas à l’école et qui a mal au nez à cause d’une bagarre survenue deux jours plus tôt ; mais également, tu peux avoir au téléphone à la même heure un jeune qui rentre studieusement de cours pour manger un bout et manquer les cours de l’après-midi pour pouvoir partir à bord d’un autocar en direction de Toulouse afin de supporter les bleus et blancs de l’Aviron Bayonnais. Quoi qu’il en soit, ces deux jeunes manqueront l’école pour deux raisons différentes mais ce que je retiens par dessus tout c’est qu’ils n’iront pas en cours cet après-midi… C’est la cour des miracles… Je demande, au passage, au second de sonder de ma part dans son bus      de « supporteur », combien d’entre eux se trouvaient à l’inauguration du Stade Christian BELASCAIN ? Savent-ils simplement qu’il a existé ?...
 
 
 
12h15 : Je termine ma matinée en fermant le siège au 9, rue Sainte Ursule et me dirige vers le pont Saint-Esprit. La place de la République se vide de ses marchands du Vendredi matin, je trouve magnifique la scène qui se joue sous mes yeux : Un paysan, vendeur de primeur, échange un cageot d’endives contre un cageot de manioc que lui propose le vendeur malien de la place des pigeons (pour les spiritains).
Je m’engage sur le pont Saint-Esprit, le cœur soupirant de m’éloigner du quartier berceau de mon club : l’A.S.B..